"Bullhead", premier film et scénario original de Michaël R. Roskam, drame aux accents sociologiques, percute par sa forte ressemblance avec son second métrage, pourtant adaptation du livre de Dennis Lehane, (lui-même scénariste).
On dénote dans "Bullhead", un rapport étroit avec les thèmes chers à l'écrivain, notamment l'enfance meurtrie avec effet boule de neige sur la vie d'adulte. Une société faite de magouilles, prenant comme décors la Flandre profonde, ses beaux pâturages du milieu rural et le microcosme rappelant celui de « Quand vient la nuit ». Un premier film puissant, presque plus réussi encore que son second. Malgré quelques longueurs, des traits excessifs pour certains protagonistes, qui nous font osciller dans des pointes d'humour décalées, « Bullhead » frappe par son réalisme pessimiste, et un aspect "sans concession" qui est plus édulcoré, ou plutôt, plus romancé dans "Quand vient la nuit".


Sa mise en scène privilégiera encore une fois, une caméra au plus prés, jouant sur les expressions parfois complètement atones de Jacky (Mathias Schoenaerts), qui renvoie à Tom Hardy, dans son rôle du barman Bob, tendance “inadapté social”.
Des tons froids, une ambiance malsaine, terne, des flous et ralentis parfaitement dosés, plans fixes, et thème central mafieux. Un soupçon de romance, une certaine idée de rédemption... et des secrets enfouis.
« Bullhead » appuie sur une certaine impuissance, des personnages solitaires, qui subissent mais qui sont complices, tout comme les personnages de « Quand vient la nuit ».
Excellente direction d'acteurs encore, avec Jeroen Perceval, parfait, enfermé dans ses non-dits, ambigu et traumatisé par sa culpabilité liée au drame de leur enfance. Quant à Mathias Schoenaerts, en émotion retenue, il nous prend à la gorge bien souvent.
Des instants silencieux, lors des flashbacks, apportent une puissance dramatique pour des coups au cœur émotionnels. Cette intensité est renforcée par ses moments de solitude, adulte, appuyant sur son absence de lui-même, où toute la puissance de son corps se heurte à la frustration de l'homme meurtri, sous vitamines et aux accès de violence incontrôlés.
Le final, comme une sorte de « sacrifice », peut dérouter, mais tient sa ligne sur son personnage. Il se rapproche encore du peu de scènes « violentes » que le cinéaste filmera dans « Quand vient la nuit ». On peut comprendre que l'adaptation de ce film lui ait été confiée.
J'en vient à me demander si Mathias Schoenaerts n'aurait pas été un bon choix également dans le rôle de Bob (Tom hardy), mais les enjeux de production, n'ont sûrement pas été les mêmes.


Seules les longueurs, seront le seul vrai bémol mais elle sont contrebalancées par les flashbacks qui relancent le rythme.


Ce « premier » est donc une excellente surprise pour ce drame introspectif, qui reste prenant.
Pour ma part, un metteur en scène à suivre de très près désormais.

limma
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le 28 oct. 2016

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limma

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