J'ai été intrigué par Bullhead du fait de son thème assez original : l'élevage bovin. L'affiche montrait un personnage principal musculeux et habité. Les rapprochements entre le thème et le personnage m'ont semblé intéressants. Et j'en ai reçu plus que je n'en espérais.


Le plus admirable dans Bullhead selon moi est que la réalisateur a su garder le milieu de l'élevage bovin en filigrane plutôt qu'au centre. Je prends pour mauvais exemple un film d'un tout autre niveau : La Famille Bélier. Dans La Famille Bélier, le milieu de la paysannerie est omniprésent et constamment caricaturé. Pourtant le thème du film n'est pas lié au milieu, il ne traite que d'une jeune fille élevée dans une famille sourde et qui se prend une passion pour le chant. Alors pourquoi en faire tout un foin sur la paysannerie et ses clichés ? Bullhead évite admirablement cet écueil. Le milieu de l'élevage bovin est présent partout : dans l'intrigue (trafic d'hormones), les personnages (paysans), les décors (rustiques), ... Et pourtant il n'est jamais présenté de manière frontale. Les scènes de paysannerie sont extrêmement rares et appropriées. Les personnages sonnent juste et sont représentés sans trop de stéréotypes. Au final le milieu aurait pu être facilement remplacé par un autre tant il s'efface.


Sauf que ... Le milieu bovin est essentiel dans Bullhead, car il sert de prétexte pour établir le mythe de Jack Vanmarsenille, le personnage principal. Ce Minotaure porte le film, un peu comme Mads Mikkelsen portait Pusher. Jack est un boeuf. Musclé, épais, tantôt paisible et tantôt instable. Et avec d'autres caractéristiques que je vous laisse découvrir. Bullhead présente avant tout un drame personnel. Je m'attendais à un thriller, mais le côté policier flamand est complètement annexe. Il s'agit bel et bien d'un drame, et quel drame.


Une scène m'a particulièrement marqué. Quand Jack se retrouve face à celui qui l'a jadis détruit, il fait preuve d'une étonnante virilité. Son Némésis est handicapé, complètement paralysé et sans défense. On sent la force colossale de Jack, qui se retient de le détruire à son tour de ses mains nues. Mais on sent aussi une force plus grande encore, celle du pardon et de la maîtrise de soi. C'est elle qui prend le dessus, et cela révèle une facette de Jack bien plus virile que toutes celles qu'il s'efforce d'entretenir. Cette scène me rappelle une très belle citation de Marc Aurèle, sur laquelle je terminerai.



"Dans tes colères, aie présent à l’esprit que ce n’est pas l’irritation qui est virile, mais que la douceur et la politesse sont des vertus d’autant plus humaines qu’elles sont plus mâles, et que celui qui en est pourvu montre plus de force, de nerfs et de virilité que celui qui s’indigne et se fâche."
Marc Aurèle dans Pensées pour Moi-Même


sci_th
8
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le 28 mars 2016

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