Les trois personnages du film sont épais comme du papier cuisine et, malgré des images tout à fait honorables, je n'ai senti aucune atmosphère s'installer pendant la projection, ces atmosphères que l'on sent dans les films d'Hou Hsiao Hsien, de Kiarostami, de Weerasethakul, cette pesanteur qui parfois nous endort, mais qui, aussi, des fois, nous entraÌne dans des monde infra-humains intriguants.
La matière du film reste finalement une matière platement narrative et les jeux de suggestions et de contournements, sur le papier très intéressants,se font à partir d'un contenu aussi prévisible que minimaliste. Il y a très peu de choix de mise en scène. On voit le type dans la chambre, puis dans son camion, puis avec sa mère, puis au téléphone. Bon. Hormis le plan de serre en flamme (vingt secondes) et, à la limite, si on force un peu, le plan où le personnage regarde un tableau dans un musée (vingt secondes), il n'y a aucun travail particulier de montage, aucun jeux sur les couleurs, aucun travail de rêverie ou de déplacement visuel. C'est visuellement élégant, mais horriblement pauvre, sans ambition. J'ai été frappé par l'absence d'audace dans ce film.
Sur le plan narratif, on ne voit pas tout, on ne sait pas tout, et c'est pour le mieux. Mais encore aurait-il fallu raconter une histoire qui ait un peu de consistance. Si le film avait duré un quart d'heure ou vingt minutes, peut-être aurait-il eu un peu plus d'intérêt, mais ici, c'est le néant. Les personnages eux-mêmes ne semblent pas intéressés par ce qu'ils sont, par ce qu'ils font.
On ne s'étonnera jamais assez de la pauvreté des scénarios de cinéma.
Les frémissements de fiction sont nombreux, mais rien ne démarre vraiment. Ca ne part pas, ça ne mène nulle part. Les quelques dialogues sur le sens de la vie et les vibrations du plaisir en deviennent d'une niaiserie consternante. Une mère apparaît de nulle part. Un père est au tribunal. Et alors ? La fille disparaît. Et alors ? Le personnage écrit. Et alors ? Faulkner. Et alors ? Tous ces éléments ne sont que des informations dont on ne fait strictement rien.
Le personnage principal semble un peu demeuré et perdu, mais on ne sait pas si cela est essentiel au développement de l'histoire ou juste anecdotique.
Ce film peut s'interpréter de quatorze mille façons différentes parce qu'il a oublié de commencer. Il a oublié de s'interpréter lui-même.