Quinze années après la sortie du premier film dans nos contrées et presque 20 ans après la sortie du livre de notre cher Stephen King, "Ça" (ou "It" dans la langue de Snoop Dog) continue de nous faire peur et de nous angoisser.
Après un litige compliqué entre l'équipe et la boîte de production, c'est finalement Andres Muschietti qui prend les commandes, jeune réalisateur tout frais, tout beau, à peine sorti du nid. Après une premier essai en long-métrage jugé bon par deux Festivals du film, c'est avec des épaules chargées que Muschietti essaye de nous (re)plonger dans la psychose d'un récit pour faire peur aux enfants, petits comme grands. Il y avait, cependant, de quoi grincer des dents à l'annonce de ce remake, adapter un King n'a jamais été une mince affaire, tant le bougre écrit souvent des scènes complexes pour le cinéma dit "tout public". Vouloir à ce point passer l'éponge sur l'une des meilleures adaptations au risque de présenter une bouse n'est peut-être pas la meilleure idée sur le papier. Énième four ou bien film d'horreur, avec un grand H ?


Derry, cette petit ville américaine où des enfants disparaissent beaucoup en cette année 1988 (oui il ne se passe pas dans les années 50, les années 80 c'est plus tendance), à raison de presque un tous les deux jours. Le film nous place directement dans l'horreur, avec l'enlèvement brutal de Georgie par Grippe-sou (Pennywise en VO), le clown dansant. Ce dernier se cachait dans les égouts et a subtilement convaincu ce petit Georgie de plonger la main dans la bouche d'égout, erreur qui lui coûtera un bras, et d'agoniser un moment et de se faire engloutir au travers d'un plan très réussi, en vue du haut. Assez violent pour un film interdit au -12 ans (de quoi relancer le débat de la présence d'un -15 ans ?).


Mais au final, ça parle de quoi "Ça" ? C'est avant tout un très grand rapport à la puberté, la perte de l'innocence, l'enfance (et donc nos peurs) qu'on laisse peu à peu derrière nous pour laisser place à des problème plus graves, dont le plus gros s'appelle "la vie". Chaque enfant que nous suivons subit petit à petit un changement dans son comportement, le rendant alors plus fort, plus mature mais surtout plus apte à lutter contre ses problèmes. Ce changement transparaît aussi par la réalisation, tout d'abord grâce à une séparation nette entre le moment où l'un des enfants vit sa vie, et le moment où il rencontre Pennywise. L'exemple le plus marquant est l'enlèvement de Georgie au début même du film : Bill, son grand frère, lui construit une petite frégate en papier, sur une musique douce, des couleurs agréable et la délicate sensation d'être au chaud alors que l'orage gronde dehors. Après une fausse frayeur dans la cave, la scène prend une autre tournure, Georgie décidant de sortir avec son bel anorak jaune pour jouer avec son bateau sur la petite rigole qui dévale la pente de la rue. La musique est d'un coup plus stressante, les tons de lumières sont plus grisâtres et les plans plus étriqués, notamment en adoptant le point de vue du clown, qui parle au garçon à travers de sa cachette souterraine. Cette scène exprime très bien le schéma général de Ça, il prendra un malin plaisir à vous surprendre par des subtilités de réalisation déstabilisante (le tracking de la tête de Pennywise quand il danse vous mettra mal à l'aise sans discuter) sans délivrer des hectolitres de sang et de boyaux, simplement par la présentation d'images crues, voir réalistes (donc moins basées sur le fantasme du porn-gore).


J'ai toujours eu du mal avec les enfants dans des films, surtout des films d'horreur. Ce sont souvent des rôles écrits par des adultes qui voient les pré-ados comme des attardés qui ne comprennent rien et se contentent simplement de balancer tout ce qui leur passe par la tête, sans jamais donner l'impression d'y croire. C'est déjà un truc que j'avais salué sur Stranger Things, à tel point ces personnages me faisaient directement penser à la bande de pote que j'avais quand j'étais plus jeune.
Le constat est le même ici, la présence de Finn Wolfhard (auditionné avant Stranger Things, d'ailleurs) y est peut-être pour quelque chose, mais j'ai vraiment eu la sensation de suivre une bande d'amis d'enfance qui vit un truc de fou, et pas simplement des acteurs-objets (sauf peut-être Mike). Il est assez prometteur de voir une relève d'acteurs de cette trempe-là. Mais la vraie star, c'est bien-sûr Bill Skarsgård, dans le rôle de Pennywise. Ce dernier est incroyablement convaincant, avec des mimiques, des jeux de regards, même dans son articulation, tout est dérangeant avec ce clown (y a d'ailleurs toute une explication sur la recherche du costume). Son jeu d'acteur est bien différent de celui de Tim Curry et ça fait bien plaisir.


Pour autant, le film n'est pas non plus parfait. J'en fais l'éloge depuis 5 minutes, mais l’inexpérience de Muschetti se ressent, notamment par des longueurs de mise en scène qui m'ont fait me demander si ça ne faisait pas 2h que j'étais assis dans ce siège. Mais non, 1h30 déclarées sur ma montre. Cet effet est surement dû au nombre assez incroyable de choses qui se passent en très peu de temps. Dites-vous qu'en une heure, on a facilement le temps de voir la peur de tous les enfant avec un développement des différents personnages, Pennywise a été aperçu au moins une dizaine de fois. Se greffent en parallèle les élément liés à "la vie réelle" dans cet enfer pour enfant, que ce soit avec le père de Beverly, violent et dérangeant, ou même Henry, le caïd, qui s'en prend à nos galopins de manière un peu trop acharnée, rendant le film assez fourni en contenus. D'ailleurs, on se rendra compte que les scènes les plus marquantes se jouent surtout avec ces deux derniers personnages, car si Pennywise est issu de l'imaginaire et de la peur des enfants, ces deux-là sont bien réels.


Ça est clairement une réussite. Que ce soit dans son esthétique ou dans son adaptation, il est assez plaisant de voir qu'entre de bonnes mains, une histoire de Stephen King peut totalement être viable pour les salles obscures (N'EST-CE PAS "LA TOUR SOMBRE" ?!). Nul doute que le film aurait pu être meilleur, mais il sait quand même dégager un bon nombre de qualité. Et surtout, le film n'abuse pas de screamers, et ça, c'est une très bonne chose.

Xavier_Larrey
8
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le 22 sept. 2017

Critique lue 175 fois

Xavier Larrey

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