Avec Haneke, on est acteur de l’œuvre autant que spectateur. Caché est un colis piégé pour celui qui n’y serait pas préparé. Sur le papier, on tient là un thriller de facture ordinaire avec des acteurs de renom (Auteuil et Binoche). Mais dès le premier plan, on sait que l’on attend de nous une participation à la supercherie. En gros, l’histoire est celle d’un couple bien sous tout rapport qui reçoit anonymement des cassettes vidéos d’images volées de leur vie privée accompagnées de dessins énigmatiques et inquiétants. Bien vite, on suit la piste d’un enfant devenu grand que le personnage d’Auteuil a côtoyé jadis. Une chose est sûre, tout ça est âpre, austère, pas drôle du tout. L’intrigue fonctionne à merveille et le film sème de nombreuses petites graines d’interprétations possibles. Car le sujet du film est bel et bien écrit dans le titre. Caché nous renvoie à la vérité. Celle que l’on choisit de dire, de laisser entendre, de cacher ou d’omettre. Il règne dans le film une ambiance de paranoïa, tous pensant que l’autre ment ou ne dit pas tout. Les images de JT suggèrent également que derrière le paravent du traitement médiatique de l’info se cachent probablement d’autres vérités. Le jeu sur la lumière tantôt franche et crue, tantôt absente et fuie révèle le rapport des personnages à la vérité à un instant T du film. La forme n’est pas belle en soi mais quelle accointance avec le propos ! Jusqu’aux paroxysmes, scènes chocs, multipliant les points de vue pour montrer la diversité de la réalité ou cette fin en queue de poisson, manière de mentir une dernière fois au spectateur, de le laisser dans l’impression qu’on se fout de sa gueule et qu’on lui cache l’essentiel de ce qu’il devrait savoir. Un grand grand jeu de piste et de dupes qui pourra décontenancer et agacer autant qu’émerveiller. Un grand film surtout.