Woody ne s'arrête jamais et c'est ça qui est bien avec lui. Un film est un peu décevant, il y en a déjà un autre qui est prêt à sortir. Ici on retrouve Jesse Eisenberg, qui joue à nouveau avec Kristen Stewart (le duo fonctionne vraiment bien, ça donne envie de voir American Ultra), en véritable relève de Woody Allen lui-même (bien que ce rôle soit peut-être un peu partagé avec le beau-frère intello). Alors certes, dans quasiment tous ses films Eisenberg est un peu gauche, un peu anxieux, mais là ça fonctionne d'autant mieux que le personnage évolue. Et c'est tout le sujet du film "grandir".


On quitte alors un peu les types brillants, nihilistes et cyniques des deux films précédents pour suivre l'histoire de ce juif new yorkais qui débarque à Hollywood. Personne qui va donc grandir, évoluer, au fur et à mesure de ses rencontres, comme on le fait tous. Alors peut-être que j'ai la mémoire sélective, mais j'ai l'impression que c'est une première pour Woody Allen, du moins à ce point.


Parce que ce qui rend le film bon, pas excellent, juste bon, c'est de réussir à nous montrer comment on se comporte en fonction d'avec qui on est et comment finalement le temps détruit beaucoup de choses, mais ne détruit peut-être pas tout non plus.


Woody Allen a cette capacité à filmer les actrices pour les rendre magnifiques, qui n'est pas tombé amoureux d'Emma Stone dans Magic in the Moonlight ? On est ainsi immédiatement dans la tête du personnage qui rencontre une fille merveilleuse, bien trop belle pour être dans cet habit simple d'une secrétaire des années 30. On voit ce qu'il voit et on sent ce qu'il ressent. Ce qui permet l'immédiate empathie avec ce personnage gauche.


Mais le film ne s'arrête pas là, tout comme le film précédent, la relation évolue. Et j'aime beaucoup cette scène au bar, où les mois ont passé et Stewart se met à parler comme une bourgeoise vaine et superficielle, l'éclairage me semble bien plus sobre, l'étincelle n'y est plus.


Et c'est ça la force du film, réussir à capter ce moment où l'on se rend compte que la personne a trop changé, que ce qui était a disparu et que peut-être ce qui a été vécu ne valait rien. Triste. On se rend compte de l'influence du milieu et que, heureusement, il reste malgré tout une étincelle lorsque cette personne sort de son milieu... Mais que choisir c'est renoncer... et ce qui a été fait ne peut être défait, les engagements pris ne se laissent pas rompre si facilement, ou alors juste le temps d'un verre, au petit matin, avec un désir innocent, sachant que ça ne pourra pas aller plus loin... Juste pour se rappeler du goût des lèvres et ce que ça fait d'être avec l'être aimé.


Dit comme ça, le film pourrait sembler être triste, il n'en est rien. Si ce n'est pas aussi jubilatoire qu'un Whatever works, ni aussi délicieux qu'un Magic in the Moonlight, ou encore aussi délirant qu'un Minuit à Paris (ses trois films récents que je préfère, voire ses trois films que je préfère tout court, notamment pour ses deux films "français") et bien ça reste un bon Woody Allen. Certes je ne pense pas qu'il marque, mais c'est un peu plus d'une heure trente de plaisir et ceci malgré des situations pas forcément inédites (le coup de la discussion entre Carell et Eisenberg qui parlent de leurs femmes aimées...


Cependant comme souvent avec Allen, le charme, la magie opère malgré tout et arrive à animer un film qui autrement aurait été assez convenu, voire même moribond.


Finalement pour moi il y a trois catégories de films d'Allen, les très bons (les trois films précédemment cités), les moyens-bons et ceux que tout le monde aime mais qui moi m'ennuient (je pense à Blue Jasmine et d'autres trucs comme ça). Et Cafe Society appartient je pense aux moyens-bons, c'est bien, mais on sent qu'Allen peut encore mieux faire, qu'il n'a pas tout donné, que ça aurait pu être bien plus délirant, reste que j'apprécie grandement le tragique de la situation.

Moizi
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le 11 mai 2016

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Moizi

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