Cam
5.1
Cam

Film de Daniel Goldhaber (2018)

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Le syndrome "Je suis une légende"

Mais si, vous savez, cette idée saugrenue de construire un film bien fichu et prenant, avant de tout démolir avec une fin (choisissez un ou plus) surréaliste, sortie de nulle part, incohérente, qui nous fait totalement sortir de la narration sérieuse établie jusque-là.


Cam, c'est l'histoire d'une camgirl, une personne qui a repris le concept des plateformes de diffusion en direct sur le web, et qui occupe la niche pornographique. Le principe, pour les viewers (les spectateurs) est simple : vous choisissez qui vous voulez regarder, et vous pouvez discuter en direct avec cette personne via un chat, tout en lui donnant de l'argent pour lui demander de faire certaines choses, qui vont de "simplement" se déshabiller, à diverses pratiques sexuelles.


Notre personnage principal, Alice, vit donc sa petite vie de camgirl sous le surnom de Lola, sans oser l'avouer à sa mère. Jusqu'au jour où... elle ne parvient plus à accéder à son compte de streaming. Mais là où le film commence à développer une intrigue intéressante, c'est qu'Alice constate vite que son live show n'est pas éteint... et que la personne qui l'anime n'est autre qu'elle-même !


S'ensuit alors une enquête que la jeune fille mène seule, pour découvrir qui se cache derrière cette tête si parfaitement ressemblante, d'autant que la nouvelle Lola semble ne pas avoir de limites pour faire donner plus à son audience...


Honnêtement, j'ai été plutôt absorbé par ce film. L'ambiance oppressante et presque surnaturelle n'est pas sans rappeler la série Black Mirror, qui explore les dérives potentielles de la technologie et des moeurs actuels. Le film garde plutôt un bon rythme, le personnage progressant dans son enquête de manière relativement cohérente, mais le suspense demeure entier jusqu'à la fin... Et c'est bien là le problème.


Plus le film avance, plus l'intrigue s'épaissit, le personnage principal progressant dans son enquête sans pour autant obtenir le moindre indice quant à la personne - ou la chose - qui l'a remplacée.
Le film explore d'ailleurs un certains nombre d'aspects connexes à cette situation : le ressenti d'une victime de vol d'identité, la situation dérangeante de devoir soutenir le regard de ses proches qui découvrent subitement une jeune femme timide sous un nouveau jour, le stress de l'enquête qui n'apporte pas de réponses claires...


Mais le problème, c'est que la conclusion arrive comme un cheveu sur la soupe et prend un ton radicalement différent du reste du film.


L'ambiance de fin est quasi-surnaturelle, Alice parvenant enfin à confronter la Lola qui la remplace, lors d'une discussion vidéo en live devant tous ses spectateurs. On voit alors Lola se regarder "elle-même" sans se reconnaître, l'image buguer et se transformer comme si Lola n'était en fait qu'une intelligence artificielle capable de manipuler la vidéo à sa guise... Alice parviendra finalement à supprimer son compte, mettant fin à son cauchemar... avant de s'en recréer un dans la foulée, et de recommencer le live.


Notre personnage principal aura mené toute son enquête de manière logique, crédible, tangible. Tout porte à croire à une conclusion claire, une révélation dramatique mais concrète... Et le film déçoit en proposant une fin encore plus perturbante que le début et le développement, amenant deux fois plus de questions sans en résoudre aucune, et surtout niant la progression psychologique de son personnage central.


Alice, tout au long du film, sombre progressivement dans le désespoir, et si elle veut initialement récupérer son compte, qui constitue le centre de sa vie sociale et professionnelle, la fin du film la montre si désespérée qu'elle pleure de joie après avoir réussi à le supprimer. Pourtant, la dernière scène du film se déroule après une ellipse qui passe sous silence l'entièreté des explications attendues durant tout le film ! L'identité de cette deuxième Lola ? La résolution de la situation tendue avec sa famille ? La peur ressentie dans toute cette affaire, qui a mené Alice dans des situations extrêmes (blessures, viol évité de peu...) ? Oubliées ! Passées sous silence ! Le personnage d'Alice, frais comme un gardon, confirme à sa mère qu'elle recommencera encore et encore jusqu'à réussir.


En conclusion, Cam, c'est une histoire prenante, des développements intéressants, des pistes prometteuses tant dans le cadre du film qu'en matière de réflexion. Mais c'est aussi un film à la fin - à mon sens - décevante, frustrante parce que trop incongrue pour s'inscrire proprement dans la continuité, et trop métaphorique pour un film qui se veut dramatiquement ancré dans le réel.

BlindMown
5
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le 24 sept. 2020

Critique lue 417 fois

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BlindMown

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