Camille Redouble étant le film le plus nominé des Césars 2013, l'intérêt a de quoi être suscité. C'est vrai, le titre et l'affiche ne donnent pas spécialement envie, et laissent pas mal penser à une énième comédie un peu larmoyante qui plaira à la ménagère.

Le scénario, lui aussi, n'est pas forcément très original. Ce genre de "voyage temporel", de retour dans son passé, on l'a déjà vu maintes fois dans même les plus banals des téléfilms américains du dimanche, ou de plus grosse sorties telles que 17 Ans Encore, 30 Ans Sinon Rien qui prend le phénomène dans l'autre sens, ou même Peggy Sue Va Se Marier, qui a d'ailleurs servi d'inspiration évidente à ce long-métrage français. Ici, l'on est confronté à Camille, quadragénaire désabusée, alcoolique et immature, séparée du grand amour de sa vie. Lors d'une soirée de retrouvailles avec ses anciens camarades de lycées, elle se trouve propulsée à l'époque de ses 16 ans.

Sans conteste, le film se met en place agréablement, nous présente la situation frivolement, puis nous transpose au milieu des années 80. Les décors sont plaisants, les habits et coupes kitschouilles également, tout comme la bande-sonore, résolument des incontournables de l'époque. Toutefois, tout cela parlera davantage aux actuels quadra/quinquagénaires qui se remémoreront leur jeunesse, à la manière que Camille revit la sienne. Cet entourage d'une autre génération passe très vite au second plan, puisque le sujet principal que la réalisatrice Noémie Lvovsky a voulu traiter dans son film, c'est : "Le temps qui passe nous change-t-il en quelqu'un d'autre ?".

Malheureusement, ce genre de questionnement est très vite répondu (et chacun peut le faire par le biais d'une réflexion personnelle) pour laisser place à des délires d'adolescentes et une amourette malmenée. Si le film se veut sympathique au début, de part sa réalisation sommaire mais virevoltante, et sa bonne humeur constante, même sur les passages les plus dramatiques, le dernier tiers apparaît bien mollasson et la fin presque bâclée. En interview pour Télérama, Noémie explique "Enfant, j'étais assez remuante ; je me racontais que si je restais complètement immobile, le temps finirait par s'arrêter lui aussi. Devenue étudiante, je me posais dans un café, je regardais l'heure en me disant : il suffit que je reste ici un quart d'heure de trop pour rater mon examen et modifier l'avenir." C'est le genre de concept que l'on aurait aimé retrouver dans ce film car, jamais, la profondeur de ces idées n'est effleurée ; Noémie se contente de rester en surface, juste pour donner un motif à une histoire d'ados banale.

Ce qui dérange, également, c'est le fait de garder les mêmes acteurs d'une époque à l'autre. Intéressant dans le fait d'avoir une vraie continuité dans le personnage, mais très peu crédible même si certains sont suffisamment bien maquillés pour créer l'illusion. Avec la protagoniste, Noémie Lvovsky donc, on a vraiment du mal à se dire qu'elle joue une adolescente, et que tout le monde est censé la voir comme une adolescente (le flirt avec le prof est du coup extrêmement amoindri). Par ailleurs, cela laisse un aspect trop comique au film et sa crédibilité en pâtit.

Il est très étonnant que le film ait glané autant de Césars : costume, montage, musique, scénario, réalisation... Néanmoins, la plupart des acteurs et actrices qui ont été nominés le méritent. Sans non plus verser dans une prestation époustouflante, ils affichent une extrême justesse dans leur rôle et portent sans mal le film. Mention spéciale aux parents, Yolande Moreau et Michel Vuillermoz, presque touchants de gentillesse. Samir Guesmi (le gendarme dans Les Revenants) s'approprie aussi très bien son personnage d'amoureux fou. Notons la présence de Podalydès et Amalric en profs, et de Jean-Pierre Léaud en tant que bijoutier qui tente de glisser une explication temporelle sans queue ni tête.

Finalement, ce Camille Redouble loué de toutes parts ne propose pas grand chose de bien mémorable, même s'il se démarque de bien des comédies françaises. Entre son aspect téléfilm, ses conclusions sur la vie qui tombent comme un cheveu sur la soupe, et le parcours émotionnel de ses personnages assez mal géré, heureusement que la bonne humeur des acteurs et quelques scènes qui arrachent des éclats nous divertissent au sein d'un scénario intriguant, mais qui s'essouffle bien vite.
AntoineRA
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le 31 janv. 2013

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