Il aura suffi d’une poignée de secondes dans une scène post-générique d’Avengers Infinity War pour donner envie à des millions de fans de découvrir Captain Marvel, héroïne globalement inconnue face à Thor, Iron Man, Spider Man, etc. Un nom arrivant pile au moment où l’oeuvre mastodonte de Disney se coupe en deux pour nous astreindre à un an d’attente avant Endgame. On pourrait donc penser que Captain Marvel est balancé comme un passage obligé entre les plus gros succès de 2018 et 2019, une pure manœuvre commerciale à l’image de ces interminables épisodes fillers qui parasitent n’importe quel combat épique dans l’animation japonaise car les créateurs savent que c’est certainement pas quelques minutes avant la fin que le spectateur va abandonner la série, et franchement, j’ai pas vu grand-chose qui aille à l’encontre de cette interprétation.


Dans le comics, pour faire simple, monsieur Captain Mar-Vell (oui ça s’écrit comme Kal-El) a été créé dans les années 60 , un extraterrestre humanoïde surpuissant qui finira par être décliné au féminin un peu comme Batgirl, Supergirl ou Miss Hulk. Son love-interest Carol Danvers devenant la première Miss Marvel d’une longue série, passant par de nombreux reboot et changements de noms ou de pouvoirs pour tenter de capter l’attention du public comme un galerien qui rame pour arriver au port. Le film reprend à peu de chose près son personnage de pilote de chasse à blonde et tête brûlée, enfin essaye. Brie Larson est aussi irréprochable qu’oubliable d’autant plus qu’elle tombe dans le cliché suranné de l’héroïne amnésique à la recherche de son passé. Sans peur, sans reproche et sans faiblesse, le personnage se retrouve aussi sans relief, la faute à un récit qui n’a pas bésef à nous apprendre : origin story random de ses pouvoirs et même pas de grande cause ou de grand méchant à lui attacher. Pour le message féministe revendiqué en interview c’est un peu comme pour la portée politique de Black Panther, on ne va pas dire que l’intention n’y est pas mais le film n’en fait strictement rien de plus que deux citations et trois vannes. Si ça a au moins l’avantage de ne pas vampiriser le récit, on est gavé une fois de plus de voir une promotion prédatrice jouer à fond une carte sociétale (en ce moment au cinéma, t’as Sibel, La favorite voire Alita et Mary Stuart qui développent les mêmes thèmes en mieux). Avec son écriture plus flemmarde que femen, le premier personnage principal féminin d’un film Marvel marque ironiquement beaucoup moins que d’autres super-héroïnes de la saga pourtant pas autant mises en avant, Gamora (Zoe Saldana), Pepper Potts (Gwyneth Paltrow), Black Widow (Scarlett Johansson) pour ne citer qu’elles.


Côté second-roles justement, la relation de Captain Marvel – qui n’est pas nommée une seule fois comme ça d’ailleurs – avec Jude Law essaye vaguement de ressembler à un rapport mentor/élève avant que le film en ait marre et envoie tout valdinguer, quant à Samuel L. Jackson, alias Nick Fury soit le personnage le plus badass de la saga, il tombe dans un rôle le side-kick comique…


Une vraie déconfiture à ce niveau aussi, là où le film promettait un vrai gamechanger dans la saga, on se retrouve finalement plutôt avec un produit dérivé qui, s’il nous rappelle quelque chose que l’on aime bien, a aussi été fait en usine dans un but purement commercial. Les zones d’ombre du passé de Nick Fury dévoilées ici ne font qu’amoindrir son personnage, on passe du vétéran aussi mystérieux que badass au simple type au mauvais endroit au mauvais moment. Idem enfin pour les autres parti pris notables, le cadre des années 90 n’a pas plus d’intérêt que la couleur des murs dans Citizen Kane et le conflit Kree contre Skrull dans lequel s’insère le film, une immense saga se déroulant sur des décennies sur papier, ne semble être qu’un prétexte pour faire réapparaître des figurants des Gardiens de la Galaxie comme un fantôme plein de regrets de l’époque où James Gunn devait s’occuper de toute la partie de la saga qui se passait dans l’espace.


Dans les points positifs, car oui il y en a quelques uns, ne soyons pas vaches, il y a cette certitude qu’un Disney/Marvel ne franchira jamais la frontière du médiocre pour tomber dans le mauvais, la direction artistique, le jeu d’acteur, la photographie, les musiques, l’humour aboutissent à une série B passable. Mieux, le film essaye même quelque chose d’un peu original dans sa première partie en montrant que c’est pas toujours les personnages les plus hideux les méchants (ce qui est quasiment une première pour Disney). Reste cependant toujours l’impression de s’être fait filouter par ce passage faussement obligé avant la suite du dernier Avengers.


Ne racontant au final rien d’intéressant à travers une galerie de nouvelles têtes insipides, Captain Marvel montre ce qui se passe lorsque des producteurs trop gourmands recyclent leur formule bien rodée une fois de trop. Le fan le verra de toute façon pour ne pas faire de trou dans sa collection mais le reste peut largement se dispenser de cette coquille vide rouge et bleue.

Cinématogrill
5
Écrit par

Créée

le 8 mars 2019

Critique lue 197 fois

2 j'aime

Cinématogrill

Écrit par

Critique lue 197 fois

2

D'autres avis sur Captain Marvel

Captain Marvel
B_Jérémy
6

Divertissant mais pas flamboyant

Donc... les Skrulls sont les méchants. Et vous êtes une Kree. Une lignée de nobles guerriers. Héroïques. Nobles guerriers héroïques. C'est un chat, pas Hannibal Lecter Anna Boden et Ryan...

le 8 mars 2019

77 j'aime

105

Captain Marvel
Sergent_Pepper
4

Omnipataud

Ainsi donc, voici la nouvelle force de frappe de Marvel, qui prépare dans une origin story à la fois le dénouement d’Endgame et la suite de la franchise. Il fallait une femme, voilà qui est fait...

le 14 juin 2019

65 j'aime

4

Captain Marvel
Moizi
1

Merci, mais non merci Marvel

Franchement là... les bras m'en tombent... Comment c'est possible de faire un film aussi inconséquent ? Je veux dire, alors que le film s'ouvre on capte rien, on est où, c'est qui ? il se passe quoi...

le 19 mars 2019

58 j'aime

7

Du même critique

Room
Cinématogrill
5

La fin de l’innocence

8,3/10 sur l’imdb, 86% sur métacritique, 94% sur rotten tomatoes, 5 nominations pour un oscar et 7,7/10 sur sens critique à l’heure où j’écris cet article : Room à première vue apparaît comme un...

le 11 mars 2016

56 j'aime

The Florida Project
Cinématogrill
5

Question ouverte au réalisateur : où est le scénario ?

Sean Baker est à la limite de l’artiste contemporain et du cinéaste. Ultra engagé, il s’est fait connaitre après le micro exploit de réaliser en 2015 Tangerine, entièrement tourné avec trois...

le 19 déc. 2017

37 j'aime

5

Thunder Road
Cinématogrill
5

Bonjour tristesse...

J’ai sérieusement conscience d’aller à contre-courant de la perception que semble avoir le monde entier de ce film plébiscité (à part une partie de la presse française spécialisée) mais...

le 13 sept. 2018

28 j'aime

5