Avant de compter parmi les producteurs les plus influents du cinéma indépendant américain, les frères Weinstein ont bien dû commencer quelque part. Harvey Weinstein est ainsi crédité créateur, co-auteur de l’histoire, et comme producteur. Bob Weinstein est lui crédité comme co-scénariste. ‘’The Burning’’ est leur première production, un Friday the 13th-like vraiment bien troussé, mis en scène par Tony Maylam, dont c’est la première, et l’une des rares réalisations dont il est à l’origine.
‘’The Burning’’ débute dans un camp de vacance pour ados, avec un groupe de garçons qui décident de faire une blague à Cropsy, l’homme à tout faire du camp. Une blague douteuse, mais visiblement au niveau de ce que l’homme leur fait subir. Bien entendu l’affaire tourne mal, et Cropsy prend feu. Il ne meurt pas mais il est laissé défiguré.
Quelques années se passent, et un été Cropsy se met à errer autour d’un camp voisin de celui où s’est déroulé son drame. C’est alors que des meurtres sanglants se produisent, frappant au hasard une bonne partie du casting.
Sans être d’une originalité folle, ce Slasher chapeauté par les frères Weinstein reprend à son compte une légende urbaine du New-Jersey. Celle du serial killer Cropsey, qui durant des années aurai kidnappé et assassiné des centaines d’enfants. Une démarche maline invoquant un mythe contemporain, familier d’un certain public, pour en faire un croque mitaine terrifiant.
Avant toute chose, il est amusant de signaler qu’au casting se trouvent des comédiens débutants. En particulier un Jason Alexander (George dans ‘’Seinfield’’) de 20 ans, et une Holly Hunter de 21 ans. Tous les deux dans ce qui est leurs tout premier rôle. Rien que ça, c’est une raison valable pour regarder ‘’The Burning’’.
Bien entendu il y a plus que ça, car le métrage est certainement l’un des meilleurs Slasher de la période. Il annonce le succès à venir des frères Weinstein dans les années à venir, réputés pour avoir le nez creux. Deux types un peu brutaux, mais qui ont absolument tout compris au ciné d’exploitation, et comment offrir à une œuvre issue d’une mode, un intérêt certain.
Il est à noter que dans ce film la plupart des protagonistes sont des ados sympathiques. Ils ne sont pas fatiguant, comme c’est le cas dans de nombreuses productions de ce genre. C’est ici tout le contraire, ils sont drôles, taquins, irrévérencieux mais shimpas. Sur un ton léger, le premier tiers du film film l’impression d’être devant un Teen Movie de qualité.
Avec des thématiques universels, comme le harcèlement à travers le personnage d’Alfred, ‘’The Burning’’ se fait le reflet de la jeunesse de son époque. Alfred est un ado mal dans sa peau, un peu asocial, au comportement bizarre, mais un vrai gentil. Différent, il est harcelé par Glazer, le bad guy du camp, un branleur tête à claque, que personne ne respect vraiment. Il devient d’ailleurs plus ou moins la tête de turc du groupe de gars rigolards, plutôt prêts à prendre le défense d’Alfred.
Une tournure maline, qui voit les attitudes borderline de Glazer, puni par les quelques garçons de son âge, qui sont les seuls avec qui il peut trainer, Une manière originale d’aborder la question du harcèlement, surtout dans ce genre de production, qui sombrent en général dans le cliché. Pour s’en convaincre il suffit de voir ‘’Return to Sleepaway Camp’’ en 2008, qui gérait ça avec le cul. Alfred devient ainsi juste un jeune mal dans sa peau, quand le caïd de pacotille est ridiculisé à plus d’une reprise. Il n’a aucune emprise sur le groupe de rigolos, qui préfère venir en aide à Alfred. Pour le plus grand bonheur de ce dernier.
Le microcosme adolescent présent dans ‘’The Burning’’ se veut réaliste, au point que lorsque les meurtres commencent, en tant que spectatur/rice on est mis dans une position inconfortable. C’est comme si dans ‘’American Pie’’ d’une coup les personnages se faisaient trucider, à travers une débauche de gore et d’hémoglobine. Comme ils sont attachants, une certaines empathies se crée avec les protagonistes. Ce sont des ados en vacance, avec tout le détachement que cela implique. Mais brutalement, les temps d’innocence et d’insouciance adolescente se font fracasser la gueule face à l’indicible.
Une autre des thématiques abordées, qui occupe une place centrale, est celle qui est traitée au travers du personnage de Todd, l’animateurs du camp. Quelques années plus tôt, il fût l’un des participant de la blague qui mit le feu à Cropsy. Todd en a gros sur la conscience, mais s’est depuis racheté une conduite, invoquant son ‘’droit au changement’’. Ainsi Todd, est d’une bienveillance toute particulièrement avec les jeunes dont il s’occupe, et en surtout Alfred, dont il est conscient des difficultés d’intégration.
Todd c’est un personnage positif et droit dans ses bottes. Mais il y a cette évènement passé qui lui revient comme un retour de bâton, en pleine face. Bien qu’il ne soit pas défini par cette erreur de jeunesse, entrainée par l’effet de groupe, il se retrouve à devoir gérer une vague de meurtre parmi les enfants qu’il surveille. Ce qui arrive en partie par sa faute.
Dès lors il est difficile de savoir comment se positionner vis à vis du personnage. La blague à laquelle il a participé à un impact direct sur le massacre qui prend place dans le camp. Et en même temps, au moment des faits c’était un ado, en groupe, avec tout ce que cela implique. Le personnage dégage ainsi une forme de rédemption dans son comportement.
Avec un suspens bien distillé, les meurtres mettent le temps qu’il faut pour se mettre en place, faisant oublier par moment que l’on se trouve face à un Slasher, pour mieux être surpris lorsque le massacre commence. ‘’The Burning’’ n’est pas avare en meurtres, et en gore qui font preuves d’une grande générosité. Réalisé par Tom Savini, maître dans les effets horrifiques sont fait à l’ancienne, les mutilations engendrées par les attaques de Cropsy sont toujours d’une efficacité viscérale. À laquelle s’ajoute une tristesse empathique, puisque les jeunes qui se font descendre, sont sympathiques.
Sur ce point le métrage est vraiment une grande réussite. Avec des meurtres plus ou moins inattendu, des personnages qui apparaissent comme principaux peuvent se faire tuer à n’importe quel moment. Il est difficile de définir qui va s’en sortir. Si y’en 2 ou 3, il est évident qu’ils vont y passer, pour la plupart c’est complétement inattendu.
Slasher de grande qualité, ‘’The Burning’’ tient encore la distance à bientôt 40 ans. Il a participé en son temps à solidifier les bases du genre, par sa nature d’œuvre intelligente qui ne prend pas son public adolescent pour des abrutis. Un Slasher qui sort du lot, car c’est l’un des rares où les adolescents sont normaux, et potentiels victimes d’une vengeance. Il fonctionne vraiment bien sur les deux tableaux, le Teen Movie et le Slasher, en faisant une œuvre générationnelle forte.
Bon bien sûr, avec le point de vue de 2020, et en plein procès Weinstein, il est difficile de ne pas y penser en voyant le film. Mais il est important de faire abstraction de ça, pour profiter du film dans son ensemble. Bien entendu des séquences prêtent à questionnement lorsque l’on connaît les penchants libidineux de Dirty Harvey. Mais faire la part des choses entre l’homme et son travail, puisque malgré ce qu’il est, son influence sur la production hollywoodienne fût énorme.
Il est possible de regarder ses productions, tout en méprisant ce qu’il est. D’autant plus qu’il va bientôt devoir payer, il risque la prison. Parce que, pour l’exemple de ‘’The Burning’’, comme il est le cas pour un grand nombre de productions signées par les Weinstein, c’est de grandes qualités.
De plus ‘’The Burning’’ c’est un exemple parfait, ambassadeur de taille d’un genre qui en 1981 est en plein essor. Il se place ainsi en précurseur, et il est sans doute important de se souvenir de ce film comme ce qu’il est en 1981. Et pas une œuvre à l’ombre d’un personnage ingrat et malsain. Même si voir apparaître son nom au générique crée une certaine gêne.
Gêne renforcée lors de certaines scènes où des adolescentes se dénudes. Il ne faut pas oublier que si le Slasher c’est avant tout du gore, le second ingrédient est bien souvent des boobs. C’est un genre qui cible surtout l’adolescent mâle, celui qui découvre son corps, et aimerait découvrir aussi celui de l’autre.
Des séquences peuvent légitimement venir poser des questions morales, qui était alors dans l’air du temps, et présentes dans la plupart des Slasher. C’est sûr qu’avec notre regard de 2020 ça peut sembler aberrant. Mais ça fait partie de cette époque révolue, que sont eighties, qu’il est important de ne pas renier, et de se souvenir.
Pour conclure, ‘’The Burning’’ c’est vraiment l’un des Slasher qui a contribué à donner ses lettres de noblesse au genre. Efficace, drôle, spectaculaire, cruel, fun, et vraiment bien mené, il reste 40 ans après sa sortie dans le haut du panier de ce genre de production. S’avérant même bien supérieur à des Slasher plus récent, qui oublient bien souvent une chose primordiale : Ne pas prendre ses spectateur/rices pour des con/nes. Parce que le spectateur/rice n’est pas dupe, et il sait quand il est face à une vulgaire œuvre d’exploitation, et quand il est face à une production qui propose de la matière à réfléchir. Tout en proposant un agréable moment, fait de rires et de frissons. Du Slasher quoi, dans le sens le plus noble du terme.


-Stork._

Peeping_Stork
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Slashers

Créée

le 29 févr. 2020

Critique lue 203 fois

Peeping Stork

Écrit par

Critique lue 203 fois

D'autres avis sur Carnage

Carnage
oso
6

Leçon de jardinage à l'ancienne

Du slasher pur-jus exploitant jusqu’à épuisement la trame imposée par le vendredi 13 de Sean S. Cunningham, maître étalon de l’exercice. Pour sa version du slasher sous le soleil d’été, Tony Maylam...

Par

le 12 oct. 2014

5 j'aime

Carnage
Play-It-Again-Seb
5

Carnage au camp de vacances, épisode 7

Dans le sillage d’un genre qui trouve son public en même temps que ses codes, Carnage est un pur film opportuniste. D’un côté, une sorte de croque-mitaine hérité d’une légende urbaine nommé Crospy ;...

Par

le 10 août 2023

4 j'aime

2

Carnage
RAF43
7

“Debout les campeurs et merci pour les hauts-le-coeur !”

Lors d'un camp d'été, des adolescents jouent un très mauvais tour à Crospy, le gardien, qui finit en partie brûlé. Quelques années plus tard, Crospy défiguré revient au campement équipé de ses...

le 15 août 2020

2 j'aime

Du même critique

The Way Back
Peeping_Stork
10

The Way Back (Gavin O’Connor, U.S.A, 2020, 1h48)

Cela fait bien longtemps que je ne cache plus ma sympathie pour Ben Affleck, un comédien trop souvent sous-estimé, qui il est vrai a parfois fait des choix de carrière douteux, capitalisant avec...

le 27 mars 2020

16 j'aime

6

Gretel & Hansel
Peeping_Stork
6

Gretel & Hansel (Osgood Perkins, U.S.A, 2020, 1h27)

Déjà auteur du pas terrible ‘’I Am the Pretty Thing That Lives in the House’’ pour Netflix en 2016, Osgood Perkins revient aux affaires avec une version new-Age du conte Hansel & Gretel des...

le 8 avr. 2020

13 j'aime

2

The House on Sorority Row
Peeping_Stork
9

The House on Sorority House (Mark Rosman, U.S.A, 1982)

Voilà un Slasher bien particulier, qui si dans la forme reprend les codifications du genre, sans forcément les transcender, puisqu’il reste respectueux des conventions misent à l’œuvre depuis 3 ans,...

le 29 févr. 2020

10 j'aime