Je ne sais par où commencer tellement il y a à dire sur ce reboot complet de la franchise, mais je me lance. 4 ans après Meurs un autre jour, le dernier Bond de l'ère Pierce Brosnan, ce 21ème opus fait peau neuve avec non seulement un nouvel interprète, mais aussi avec un nouveau style ; en effet, après des années de lutte pour récupérer les droits d'adaptation, Eon Productions souhaite ravaler entièrement le mythe Bond afin d'en proposer une relecture complète. "Casino Royale" était le premier roman mettant en scène l'agent anglais le plus célèbre du monde en 1953, et Ian Fleming avant la première adaptation de son héros en 1962, avait déjà vendu aux producteurs américains les droits de "Casino Royale" et de "Opération Tonnerre". La récup de ces droits opérée, il ne restait plus à Eon qu'à faire un retour aux sources par le biais de cette première aventure, mais il fallait soigner ce retour.
Un retour aux fondamentaux présenté comme le point de départ d'un nouveau cycle (on le verra avec les Bond suivants qui s'imbriquent), qui ne se contente pas de bouleversements narratifs, mais offrant aux équipes techniques un retour du cinéma à grand spectacle, délaissant les progrès du numérique pour privilégier le réalisme. En effet, toute la difficulté consistait à conserver la fougue des opus précédents en suivant un cahier des charges précis voulant que ce 21ème film soit le point de départ d'une mythologie repensée. De plus, la franchise donnait peut-être quelques signes d'essouflement en 2002, il fallait s'aligner sur les sagas modernes genre les Jason Bourne ou les Mission impossible qui fouettaient en terme de scènes d'action.
Pour cela, on refait appel à Martin Campbell qui avait déjà fait renaître de ses cendres la franchise en 1995 avec l'excellent GoldenEye. Sa mission étant donc de réinventer le mythe Bond et poser les bases d'une nouvelle ère plus dure et plus réaliste. Le traitement est justement plus humain, plus profond, James Bond s'entiche de la belle Vesper Lynd, cette femme le trahit, elle est la première femme dépeinte par Fleming dont l'impact sur la vie de Bond est déterminant, elle incarne ainsi le point de départ de toutes les femmes qui croiseront la route de 007 et explique le pourquoi de sa manière d'être avec elles, s'il est cynique et macho, ça vient de là, eh oui Bond avait des failles, et Daniel Craig avait la tâche de le rendre plus humain puisque c'est censé être sa première mission de 00, matricule qui l'autorise à tuer. De son côté, Eva Green, actrice pour qui je n'ai pas une admiration particulière, occupe ce rôle de belle façon.
On a dit plein de trucs ridicules concernant le choix de Craig ; acteur plus petit que ses prédécesseurs, blond aux yeux bleus, et surtout avec un faciès assez imperturbable, comme s'il faisait la gueule, les fans étaient véhéments envers lui, moi-même j'étais plutôt dubitatif quand j'ai appris que c'est lui qui avait été choisi. Mais je crois qu'il s'en est bien sorti, et même si pour un vieux fan comme moi, mon préféré restera toujours Sean Connery, il faut savoir évoluer, et j'avoue qu'il remplit bien la fonction. La pression immense qu'a dû représenter ce choix d'acteur quand on pense à la valeur iconique du personnage, surtout dans un film qui se veut en rupture avec l'ère Pierce Brosnan, a sans doute été lourde pour Craig, mais il a apporté une virilité plus affirmée, un petit aspect monolithique et sauvage, un côté sombre et surtout très musclé au personnage et à la franchise, les bagarres sont en effet d'une violence presque primaire, celle des toilettes du prologue, et celle dans l'escalier sont extrêmement brutales et techniquement bien réglées, ceci a été possible aussi grâce à Craig qui s'est complètement impliqué dans le rôle. Il a subi un entraînement intensif et n'a pas eu peur de s'exposer à des risques en faisant certaines de ses cascades, et ça le public le sent, c'est pourquoi ce film a été autant plebiscité.
Exit aussi les gadgets ahurissants, exit Q, on revient à des trucs plus simples, de même qu'on retrouve après les BMW de Brosnan une Aston Martin racée et au design unique. La séquence traditionnelle de poursuite en voiture est d'ailleurs réduite à sa plus simple expression, même si elle se paie le record mondial de tonneaux. On garde la tradition du générique animé, mais on déroge à la règle en plaçant la fameuse phrase Je m'appelle Bond, James Bond au tout dernier plan, j'ai adoré ça. Un bon méchant fait la réussite d'un Bond, on a ici un très bon Mads Mikkelsen qui incarne le Chiffre, méchant glaçant et énigmatique qui inflige à Bond l'une des tortures les plus douloureuses pour un homme.
Dernier détail qui aurait pu faire chanceler cette renaissance bondesque : le personnage de M repris par Judi Dench, ce n'est évidemment pas crédible puisque c'est censé être la première mission de 007 qui d'ailleurs dans le prologue gagne son matricule de 00 ; mais bon, on va faire comme si on ne l'avait pas remarqué. L'essentiel est d'avoir pu repenser la franchise pour la faire entrer dans une nouvelle ère, et je crois que l'objectif est pleinement atteint, Casino Royale étant un peu à la saga James Bond ce que Batman begins a été à celle de Batman, une réinvention complète visant à dépoussiérer une légende qui promène son célèbre patronyme sur nos écrans depuis sa rencontre avec le Dr No en 1962.

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le 3 sept. 2018

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