Compréhension de l'incompréhensible

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre, le dispositif est très simple, on a François Crémieux filmé en très gros plan, parfois coupé par un intertitre annonçant le sujet de la partie à venir ou par de rares photos illustrant les propos du soldat.

C'est un film extrêmement intéressant, aussi bien pour sa simplicité formelle, que pour son propos. Parce que la lucidité du soldat est juste impressionnante. La lucidité sur son engagement, sur les volontés des autorités, sur sa propre volonté de partie en Bosnie, sur les raisons des autres casques bleus.
On est loin des discours angéliques, bien au contraire, on voit très bien l'impossibilité d'action, l'impuissance et peut-être même que le concept de casque bleu ne sert pas à grand chose.

Il est également très critique sur les autorités, sur la volonté de l'ONU, sur les officiers, racistes, ne comprenant rien au conflit... sur l'embrigadement des soldats qui feraient tout pour suivre les ordres.

Et finalement j'ai appris bien plus de choses sur le conflit bosniaque qu'en regardant le film de BHL sur le sujet. Quelle surprise ! Parce qu'en fait ici ce n'est pas manichéen, on n'a pas les bons musulmans contre les vilains serbes. On voit bien que la situation est bien plus compliquée que ça, que personne ne semble la maîtriser réellement et que les "intellectuels" (sans doute BHL pour ne pas le nommer) eux-même souhaitent des choses qui risquent surtout de leur revenir à la gueule parce qu'ils n'ont aucune idée du terrain.

Pire, les casques bleus eux-mêmes ne captent rien à ce conflit, ne comprennent à la guerre et ne la vive pas, ils sont coupés du monde et sont plus obligés de se défendre, de défendre leur base, plutôt que de protéger les populations civiles.

Un témoignage réellement poignant, tout en simplicité, faisant froid dans le dos et permettant bien de relativiser les délires mégalomanes de certains prônant le droit d'ingérence.