Depuis la sortie de l’Auberge espagnole en 2002, Cédric Klaspish est devenu une figure assez appréciée au sein du cinéma populaire français. Néanmoins, son cinéma de la jeunesse avait également ses petits airs de vain, un cinéma qui est éventuellement sympathique mais qui finalement ne raconte pas grand-chose d’intéressant. Avec Les Poupées russes, une saga se met en route, et le parti-pris de Klapish pose problème : il ne se ré-invente pas et écule la même recette, sans se créer de nouveaux enjeux cinématographiques ou scénaristiques. On suit donc les (més)aventures de Xavier, campé par Romain Duris, accompagné par sa bande de potes. Une fois de plus, le schéma est réitéré dans Casse-tête chinois, au cas-où la vie du personnage de Xavier intéresserait des gens sur le long terme.

C’est justement là tout le problème : si l’on porte peu d’intérêt à Xavier, principal point de vue de notre histoire, c’est perdu d’avance. Jamais Klapish ne fait l’effort de redonner au spectateur des enjeux ou de l’intérêt pour son personnage. De ce fait, tout spectateur qui prendrait le train en marche a de fortes chances de se retrouver paralysé dans une comédie de deux heures, à regarder passivement Romain Duris errer entre New York et Paris. On peut rapidement penser finalement que Klapish ne pense pas à ses spectateurs, mais uniquement à ses personnages. On a le désagréable sentiment que c’est un film de potes qui ne nous convie pas à ses festivités. Même pour ceux qui apprécient les deux premiers opus, on peut tout de même se demander si le contenu de ce volet est suffisant pour faire un film.

Les personnages ont certes grandi mais pourtant peu de choses ont réellement changé : si les relations se font et se défont, dans le fond les personnages restent intactes. Xavier se retrouve confronté aux problèmes de la maturité, mais les aborde toujours de la même manière. Le temps séparant les films (et donc les personnages actuels de ce qu’il était dans Les Poupées russes) se ressent peu et affecte donc tout l’enjeu du film puisque c’était là l’idée principale, les réunir à nouveau pour marque l’évolution. Dans un cinéma certes très différent, Bergman réunissait dans Sarabande des personnages présents dans Scènes de la vie conjugale, sorti trente ans plus tôt. Alors évidemment, l’idée n’est pas de comparer Bergman à Klapish, mais ce que le cinéaste suédois proposait était tout à fait applicable à la saga française. Malheureusement, cela met en jeu une donnée clé : la patience, le fait d’accepter de ne pas refaire tout de suite un carton au box-office. En ressortant trop tôt sa saga, on peut considérer que Klapish en tue le potentiel.

Les mésaventures de Xavier s’articulent également autour du voyage. Ici, Klapish choisit de situer son action à New-York. Le problème qui se pose alors, bien plus qu’autrefois, c’est cette impression de tourisme cinématographique de la part du réalisateur. A part lors de quelques séquences ou détails bien pensés (le chauffeur de taxi qui se perd quand les rues ne sont plus perpendiculaires), la Grosse Pomme a peu de personnalité et n’est pas forcément bien mise en avant. On la découvre passivement avec Xavier, mais Klapish joue peu avec ses outils cinématographiques pour en faire quelque chose de neuf. Bien sûr, il dispose çà et là des gadgets de mise en scène qui lui confèrent une patte, néanmoins ça n’est pas forcément suffisant pour insuffler au film une mise en scène dynamique, le tout sur deux heures.

Le film se finit, on se demande alors « tout ça pour ça ? ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que les combinaisons scénaristiques pour arriver à un tel résultat relèvent en effet d’un véritable casse-tête chinois… Ce qui pose à nouveau le problème de l’intérêt du film, qui finalement manque également de choses à raconter. Il y a pourtant un potentiel, il y a des moments de vie à filmer, mais Klapish passe à côté et préfère filmer platement (mais avec sincérité, sûrement) ses personnages qui sont aussi ses amis. Casse-tête chinois n’ose pas. Il pourrait contenter les plus adeptes du cinéma de Cédric Klapish, et encore, car il faut, une fois de plus, supporter Romain Duris qui joue du Romain Duris. A nouveau, on retient cette image d’un potentiel gâché, dévoilé bien trop tôt, avant que le fond de l’œuvre n’ait pu obtenir une réelle maturité.

La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/critique-casse-tete-chinois-de-cedric-klapisch-2013

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le 9 déc. 2013

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Lt Schaffer

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