Alors, si je vous dis que c'est un film d'horreur américain qui se passe à Paris, sur des archéologues qui descendent dans les catacombes à la recherche de la pierre philosophale, et qui arrivent en Enfer, avouez que ça vous met l'eau à la bouche. Maintenant, si je vous dis que c'est tourné en mode found footage..? Non, attendez, partez pas! Le film est pas si mal, en fait!

Vous l'aurez compris, « Catacombes » est donc un énième found-footage movie. Mais si, vous savez bien, c'est quand le film prend des allures de documentaire pris sur le vif, avec la caméra qui gigote dans tous les sens au moments propices, pour donner l'impression que « c'est pour de vrai ». Inhérent au genre, c'est pourtant ce style visuel brouillon et laid qui plombe bon nombre de productions et qui éloigne d'emblée le public réticent au genre. Du coup, on ne peut que saluer le travail artistique délivré par «Catacombes », qui réussit à créer un lien physique presque palpable entre personnage et spectateur, sans pour autant nous désorienter par les secousses pénibles de la caméra.

Le film se démarque essentiellement par deux atouts indéniables. En plus de bénéficier d'un tournage dans les véritables catacombes de Paris, il surprend également par un scénario insolite, à la fois fantasque et plausible. En s'appuyant sur des faits historiques concrets (les recherches en alchimie de Nicolas Flamel, l'effondrement des catacombes de Paris,...), les personnages partent dans une frénétique chasse aux indices qui nous tient en haleine durant une bonne partie de leur expédition. Déchiffrer d'anciens hiéroglyphes à la lueur d'une torche, révéler un message caché au dos d'une tablette de pierre, découvrir un mystérieux trésor dans un labyrinthe, tout ça a un agréable parfum d'aventure qui rappelle Indiana Jones et autres Benjamin Gates. Le charme et l'humour en moins bien entendu, on est dans un film d'horreur, ne l'oublions pas. L'approche documentaire et les prises de vue en lumière naturelle renforcent l'aspect sordide et macabre du sous-sol parisien, et rappellent l'excellent « The Descent » de Neil Marshall - une référence en matière d'ambiance claustrophobe et glauque.

Si cette longue introduction traîne un peu la patte, on prend un réel plaisir à suivre les péripéties de notre jeune Lara Croft en herbe et de ses compagnons d'infortune. D'autant que les comédiens qui les jouent sont parfaitement convaincants dans leur rôle respectif. Mais tandis que nos braves explorateurs s'enfoncent inexorablement dans les entrailles de la terre, la tension s'intensifie et les événements étranges se multiplient. Le groupe devient alors la proie d'entités maléfiques et sont hantés par de terrifiantes hallucinations. On ajoutera qu'à ce stade, il est préférable de se familiariser avec « la Divine Comédie » de Dante (poète médiéval italien), au risque d'être totalement dérouté par la suite du film. Enthousiasmés par le potentiel horrifique installé au cours de la première partie, on attend nerveusement cette descente aux enfers, dans ce qui promet d'être une véritable foire aux atrocités.

C'est là que « Catacombes » divise les foules. Déjà, si on admire le jeu naturel des acteurs, on regrettera en revanche que la plupart des personnages ne soient pas davantage développés. De fait, il est difficile d'éprouver pour eux une réelle empathie lorsque arrive l'heure funeste. Mais surtout, même si l'on ne s'attendait pas à tomber sur des démons à sabots qui vous pique l'arrière-train avec une fourche, avant de vous jeter dans une mer de flammes, il faut avouer que l'enfer dont il est question ici bénéficie d'une représentation aussi inattendue que déconcertante. Sans rentrer dans les détails, le film souffre d'un déséquilibre flagrant entre les idées épiques que délivre le scénario, et un budget terriblement restreint. Le réalisateur tente tant bien que mal de représenter la vision épique de Dante, dans toute sa poésie morbide, tout en conservant une esthétique terre-à-terre. Mais l'expérience cauchemardesque tant espérée se réduit le plus souvent à observer des silhouettes capuchonnées se languir silencieusement en arrière plan, et à des jump scare bas de gamme, où un personnage hors champ bondit brusquement devant la caméra. Sans oublier la consternante répétitions des mêmes galeries et couloirs vides, aussi effrayants que les maisons hantées que les ados visitent pour Halloween. Certains apprécieront alors le minimalisme lugubre et assumé de la mise en scène (qui recèle quelques perles, notez bien), tandis que d'autres bailleront devant ce qui ressemble davantage au projet académique d'un étudiant de cinéma, prétentieux et fauché.


« Catacombes » est un found footage d'épouvante labyrinthique qui se perd dans son propre dédale. Durant la première heure, c'est un film d'aventure prenant et immersif, au côté archéologique prononcé, et qui tire parfois vers le fantastique. Passé ce cap, on tombe dans l'horreur malsaine, où le found footage est surtout utilisé pour cacher l'économie du coût de production. Le film sort alors les grosses ficelles de la série B, tout en jouant la carte de l'allégorie et du mythe pour se rendre plus dramatique qu'il n'est réellement. Ironiquement, pour un film censé se dérouler sous terre, dans une ambiance suffocante, « Catacombes » est une bouffée d'air frais dans le domaine du film d'horreur amateur, mais aurait mérité de creuser davantage ses intentions et son univers.
Nazgulantong
6
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le 23 déc. 2014

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Nazgulantong

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