Je suis sorti de la salle de cinéma assez mitigé : le film m'avait certes semblé lent et long, contemplatif même, mais quelque chose m'avait marqué. Les thèmes notamment du film : le rapport entre la terre et l'esprit, entre l'esprit et la vie, et la vie elle-même. Dans un petit village de Thaïlande, une ancienne école est reconvertie en hôpital pour des soldats atteint d'une maladie du sommeil. On apprend plus tard, par le biais de deux déesses apparaissant à l'héroïne, Jen, que l'hôpital est construit sur l'emplacement d'un ancien palais, et sur le cimetière d'anciens rois belliqueux, utilisant l'énergie des soldats pour mener leur guerre souterraine. Ainsi, les esprits des soldats va sous terre, c'est sous terre qu'ils retrouvent leur fonction et donc qu'ils peuvent exister. Cette idée d'identité entre terre et esprit est marquée dès la première scène, où un tractopelle creuse la terre, tout comme Keng creuse les esprits des soldats et peut voir leur vie antérieure. De plus, lorsque Itt montre par l'intermédiaire de Keng le palais des rois à Jen, il emmène celle-ci dans la forêt, qui représente donc son esprit. Aussi, l'esprit des soldats est "réveillé" pendant leur sommeil. Mais on peut donc se demander si tout le film n'est pas un rêve, une fantaisie de l'esprit de Jen, voire de Itt : en effet, Jen dit à un moment qu'elle a l'impression de rêver, et qu'elle voudrait se réveiller. Keng/Itt lui conseille d'ouvrir grand les yeux : le film s'achève sur les yeux ouverts de Jen, et le tractopelle immobile ne creuse plus la terre, car l'esprit de Jen dort quand elle est réveillée. De la même manière, certains passages semblent sortir de l'imagination de Itt : lors de la scène du cinéma, la couleur des plans change sans cesse ; on se rend compte que les couleurs correspondent aux lumières émises par la machine (dont je n'ai aucune idée de ce qu'elle est) utilisée pour guérir les soldats. Les scènes nocturnes dans l'hôpital sont de la même manière rythmées par ce changement de lumière. De plus, Itt s'endort au cinéma. Mais il est également intéressant de constater que lorsqu'Itt s'endort, il est emmené vers le bas, par les escalators, vers la terre.
Le rapport entre terre et esprit est donc assez clair (dernier exemple : lorsqu'un des personnages défèque sur la terre, c'est comme s'il se défaisait d'une partie de lui qui rentre dans la terre). Mais la terre peut aussi symboliser la vie, et, comme le montrent les statues du parc, la mort. Ce cycle naturel nous est sans cesse rappelé : les plans sur les ventilateurs, les moulins à eau, qui font donc des cercles, mais aussi avec le cercle incessant des personnages venus admirer le lac, qui changent sans cesse de places, pour revenir à leur place de départ.
Ainsi, passée la barrière de la lenteur et de la contemplation, le film offre une ouverture d'esprit, et nous pousse à regarder chaque chose de la vie quotidienne différemment. A voir au cinéma, en ayant mangé (la moitié du temps les personnages mangent, un supplice pour le spectateur affamé que j'étais).

Lévane
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les plus belles claques esthétiques

Créée

le 19 sept. 2015

Critique lue 501 fois

2 j'aime

1 commentaire

Ragnar Lyndon

Écrit par

Critique lue 501 fois

2
1

D'autres avis sur Cemetery of Splendour

Cemetery of Splendour
Teklow13
10

Le sommeil d'or

Cemetery of Splendour s’inscrit dans la prolongation de l’œuvre de Weerasethakul. Continuité thématique, on y parle encore de maladie, d’hôpitaux, de croyances religieuses, de confrontation...

le 31 mai 2015

43 j'aime

15

Cemetery of Splendour
guyness
2

Le cimetière des effets lents

Un vrai artiste abolit les frontières, s'affranchit des particularismes, jette des ponts entre les époques et les mentalités. /Copier/Apichatpong Weerasethakul /coller/ peut être considéré, à partir...

le 12 févr. 2016

38 j'aime

33

Cemetery of Splendour
B-Lyndon
9

Jenjira.

C'était mon tout premier Joe en salles. Et tout ce que je peux dire, c'est que ça a été l'une des plus belles séances de ma vie. J'ai rarement été autant envoûté au cinéma. C'est ma première aussi...

le 10 sept. 2015

24 j'aime

9

Du même critique

Magma
Lévane
10

Gojira = changement

Lors du Download Festival qui se déroulait les 10, 11 et 12 juin, Gojira a profité de l'occasion pour fêter leur 20ème anniversaire. Les deux fondateurs du groupe, les frères Joe et Mario Duplantier...

le 17 juin 2016

22 j'aime

3

Dazed and Confused
Lévane
10

Critique de Dazed and Confused par Ragnar Lyndon

Disons-le : Led Zeppelin est le plus grand groupe de rock de tous les temps. Ce que Led Zeppelin a accompli, aucun autre groupe, des Beatles à Pink Floyd, personne d'autre n'aurait pu le faire. Car...

le 29 août 2015

12 j'aime

Led Zeppelin III
Lévane
9

Critique de Led Zeppelin III par Ragnar Lyndon

Led Zeppelin III, sorti en 1970 (soit un an seulement après la bombe Led Zeppelin I), est le premier disque du groupe à subir les foudres des critiques : trop proche dit-on des Crosby, Still &...

le 29 août 2015

6 j'aime