Central Park
7.8
Central Park

Documentaire de Frederick Wiseman (1989)

Wiseman se tient à une méthode établie dès son premier documentaire, Titticut Follies : choisir un cadre, souvent institutionnel, y filmer pendant quelques semaines ce qui peut se dérouler d'intéressant sous sa caméra, puis passer des mois à monter les heures de "rushes", pour aboutir à une suite de scènes sans transitions, sans commentaires.
Etape cruciale, le montage reste assez neutre : Wiseman évite les rapprochements générateurs d'humour et de sens. Il n'y a pas particulièrement d'effets de style : certes, il simule, du lever du soleil à son coucher, un jour typique dans la vie du parc, mais filmant un concert, il laisse in extenso un morceau (ici le chant militant "beds are burning" de Midnight Oil).


Non, ses films sont plutôt des documents, des témoignages sur une tranche d'une époque - d'où la fixation d'un cadre limité, à l'intérieur duquel se produira ce qui se produira. Libre à chacun d'examiner les limites propres à ce cadre : du moins est-il explicite, et rend-t-il compte d'une situation ; à nous ensuite de comparer, et de réfléchir aux conditions qui ont modelé ce cadre et le film qu'y a tourné Wiseman.


Même cette relative neutralité reste orientée par les forces (institutionnelles ) à l'oeuvre dans le contexte filmé. Ainsi, dans le cas de "Central Park", entre-t-on dans les bureaux de l'association chargée de gérer le parc. Une scène montre un débat sur la manière d'empêcher les nouveaux vélos tout terrain de circuler sur les pelouses. Dans une autre, une contractante privée expose l'efficacité de sa stratégie d'obtention de subventions privées ; et plus loin nous voyons une réception au cours de laquelle sont approchés les contributeurs potentiels. Puis des scènes montrent des travailleurs salariés et bénévoles se consacrant à l'entretien du parc.
Si Wiseman s'était contenté de poser sa caméra au hasard, il ne nous aurait pas montré ces coulisses.


Chaque citoyen américain a supposément accès au fonctionnement des institutions publiques, et tout doit pouvoir être filmé dans un souci de transparence et d'éducation - Wiseman est régulièrement financé par une chaîne de télévision éducative. L'examen des institutions par le public a ses limites, néanmoins c'est un idéal vers lequel doit tendre une véritable démocratie.
Un travail comme celui de Wiseman ne remplace pas le journalisme d'investigation, même s'il permet déjà de constater un décalage entre les discours officiels et la réalité.
Son oeuvre participe de cette publicité (au sens de res publica, chose publique), et contribue au fonctionnement de la démocratie.

ChatonMarmot
10
Écrit par

Créée

le 28 oct. 2017

Critique lue 416 fois

3 j'aime

1 commentaire

ChatonMarmot

Écrit par

Critique lue 416 fois

3
1

D'autres avis sur Central Park

Central Park
RENGER
6

Immersion au cœur d’un gigantesque microcosme, havre de paix au milieu d'une forêt de gratte-ciels

Si pour vous, Central Park se résume qu’à un espace vert d’une superficie de 340 hectares (pour 4km de long), détrompez-vous, ce poumon vert en plein cœur de Manhattan à New York est bien plus que...

le 26 mars 2021

Du même critique

X-Men : Dark Phoenix
ChatonMarmot
2

Pas de cul pour le MCU

**Pinacle tragique des X-men de Chris Claremont, inaugurant une vague de débauchages anglais par l'écurie Marvel, la transformation de Jean Grey en Phénix Noir et la mort de l'Elektra du Daredevil de...

le 5 juin 2019

52 j'aime

55

Midsommar
ChatonMarmot
10

All you need is love...

Ari Aster continue d'exploser les limites du genre horrifique. Il propose un renversement de perspective, une expérience psychédélique et philosophique. Son but est de nous faire entrer dans la peau...

le 1 août 2019

42 j'aime

127

90's
ChatonMarmot
5

futurs vieux cons

Un film qui rend compte de la vie familiale et des rituels initiatiques d'un jeune garçon dans le milieu du skateboard ; ce qui sans être pour moi très captivant, m'interpelle sur un point : le...

le 31 mars 2019

29 j'aime

24