Le travail c'est bon pour le moral, pas pour la morale

Voilà un film qui fait réfléchir sur l’état de notre société !


L’hyper compétitivité du monde du travail, à la fois au niveau individuel (un employé par rapport aux autres) et collectif (la rentabilité d’une entreprise par rapport aux autres) font que nous sommes devenu des robots, nous avons perdu une part de notre humanité.


Franck a préservé les intérêts de sa compagnie maritime au prix d’une faute morale qui va lui être reproché par ses supérieurs. Pourtant, du point de vue économique, il a fait au mieux, s’il avait agit différemment sa société aurait perdu beaucoup d’argent, ce qui lui aurait probablement été reproché.
D’ailleurs, si l’entreprise invoque une faute morale, c’est bien hypocrite, car comme il l’apprendra plus tard, sa direction cherchait déjà à le licencier parce qu’il coûtait trop cher (expérimenté et compétent, donc à forte charge salariale) et qu’un nouveau venu à formater était souhaité. Ce prétexte tombait à point nommé pour le forcer à démissionner.
Lui de son coté, ne regrette pas sa décision du point de vue moral, mais s'en veut d’avoir tergiversé en prenant d’abord une autre décision, puis en se ravisant, ce qui a eu pour fâcheuse conséquence d’attirer l’attention de sa direction qui lui a ensuite reproché son choix.
Dans ce film, la question morale sert de prétexte à la direction pour licencier son employé, plus tard elle servira à Franck pour monnayer une grosse prime quand on lui proposera un nouvel emploi "risqué", mais lucratif.
De la même manière, son fils lui reprochera sa faute morale, tout en lui rappelant qu’il compte sur lui pour continuer à assurer un train de vie confortable à toute la famille.
Et c’est certainement pour cette raison également que Franck a agit ainsi. Dans l’intérêt de sa compagnie, mais aussi parce qu’aujourd’hui il est un cadre supérieur aisé pouvant subvenir aux besoins de sa famille, alors qu’enfant il avait souffert de la pauvreté de ses parents. Il sait qu’un sou est un sou. Franck est un homme qui a commencé en bas de l’échelle et qui à force de travail s’est élevé socialement.
Si bien que quand il perd son emploi, il perd sa raison de vivre. Sans travail il est un homme déchu, vacillant, au bord de la rupture.


Il n’y a guère que sa plus jeune fille, qui lui apportera du réconfort et l’aidera à redonner sens à ce qui était son activité professionnelle. Lorsque pour l’école, elle lui demande de lui montrer ce qu’est son travail, c’est sur le terrain, du supermarché aux docks de transports de denrées , qu’il lui apprend l’utilité de sa profession, approvisionner la population en marchandises de toutes sortes. C’est ce qu’il avait oublié quand, de son bureau genevois, il devait gérer les flux des porte containers, qui n’étaient plus pour lui que des loupiotes sur un écran, à acheminer le plus vite possible d’un point à un autre.


Pour son premier long-métrage, Antoine Russbach frappe fort, avec intelligence et finesse, dans une mise en scène sobre et efficace (et sans musique).
Olivier Gourmet, campe avec justesse un père de famille ordinaire, tout à fait crédible, à la fois coupable et victime d’un système dont il n’est qu’un rouage parmi tant d’autres. Si on ne tombe pas aisément en empathie avec lui, il n’est cependant pas totalement antipathique, pas plus en tout cas que le reste de sa famille nombreuse, exception faite de sa benjamine, seule lueur d’espoir porteuse d'une humanité plus réjouissante.

Roinron
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le 4 sept. 2019

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