La rencontre du réalisateur des Liaisons dangereuses et de l'insurpassable Colette, ça ne pouvait que donner un film remarquable. Sauf si le rendez-vous avait été manqué, on sait que ça peut arriver. J'aurais été vraiment déçue que l'adaptation de ce roman parfait rate son arrivée à l'écran, parce que la plume de l'écrivaine de Saint-Sauveur-en-Puisaye méritait vraiment l'hommage d'un grand cinéaste au faîte de ses capacités. Et c'est le cas, trois fois hourra ! Le préambule donne le ton : l 'historique enlevé des cocottes les plus remarquables de France, finissant sur l'indépassable Léa de Lonval, demi-mondaine d'anthologie hissée par Colette au firmament des personnages inoubliables, plus encore que Chéri, qui donne pourtant son nom au roman. C'est la trop osseuse Michèle Pfeiffer qui s'y colle, mais sans déshonorer la profession tant elle porte avantageusement la toilette et fait figure de bibelot de luxe dans son appartement Art Nouveau du goût le plus exquis. Les décorateurs s'en sont donné à cœur joie et on a tout le loisir de dévorer des yeux ces antres à l'image de leurs habitantes : élégant à l'extrême pour Léa, chargé comme une pièce montée pour Mme Peloux, l'excellente Kathy Bates, dont le regard d'acier fait des étincelles entre deux répliques faussement innocentes. Papillonne entre elles un Chéri tour à tour alangui ou cruel, dans lequel on peine à reconnaître l'homme de main implacable de la CIA de Homeland. Une autre chouette surprise. Bref, un petit bijou de film, qui jouait sur du velours a priori, mais risquait l'empâtement s'il avait été négocié sans grâce, et il fallait forcément un réalisateur minutieux et un peu retors comme Frears pour rendre hommage à ce monument de la littérature du début du XXème. Pari gagné, haut la main.