Considérez Cheval de guerre comme un film bien réalisé, où il n'y a pas grand-chose à redire techniquement parlant. C'est cinématographiquement impressionnant, cela ne fait aucun doute, et le génie de Spielberg n'est plus à prouver.
Mais vous cinéphiles, qui vous plaisez à penser un film comme une aventure, innovante et enrichissante, soyez prêts à accueillir la désillusion.
Confortablement assis dans nos sièges de cinéma, nous nous retrouvons en effet face à un grand spectacle. Deux heures et demi qui passent à merveille, vous ouvrirez grand les yeux à maintes reprises, soufflés par des scènes de très haute volée. Une histoire prenante bien qu'assez simple, mais le cinéphile sait que la simplicité ne nuit pas forcément aux grands films, si bien qu'il oublie assez vite ce détail qui souvent sait se montrer insignifiant. Assurément un très bon moment, il serait bien sot de chercher à dire le contraire.
Mais vraiment, Monsieur Spielberg, ne sommes-nous pas à même de comprendre, nous pauvres spectateurs, quand il nous faut pleurer ?L'histoire en elle-même suffisait à émouvoir, dommage que tout soit souligné en long en large et en travers, à coup de musique et de ralentis. Si La liste de Schindler venait chercher nos larmes avec grand talent, ici on emploie presque la tenaille pour les tirer de force.

John Williams n'est pas connu pour sa subtilité, mais ici chaque note est un appel excessif au bon cœur du spectateur – étouffée par tant d'exagération, notre compassion s'égare bien vite pour laisser place à la méfiance et à la retenue.

(SPOILERS : Tout en sachant que le film est une adaptation d'une œuvre littéraire et que l'incohérence vient de celle-ci, quelle est la probabilité pour qu'un soldat anglais, réussisse à retrouver son cheval en France ? –inutile de préciser le nombre de soldats et le nombre de chevaux présents sur le sol de l'hexagone pendant la guerre de 14... Du début à la fin, on se demande comment il est possible d'éviter ça. Il n'y a que deux solutions, aucune n'est bonne : Albert et Joey ne se retrouvent pas et là on tombe dans un monstrueux mélodrame –si si, c'est inévitable quand on voit comment est parti le film. Ou alors Albert et Joey se retrouvent, et là...là c'est le comble dans l'histoire du happy end...Parenthèse fermée)

Sans s'y tromper, ici le héros est un cheval, et c'est sans doute l'un des atouts majeurs du film. Chapeau d'ailleurs pour cette habileté à rendre le cheval presque humain dans ses expressions et ses mouvements. En 2012, on peut tout rendre à l'écran, mais l'on s'étonnera toujours du jeu d'acteur des animaux au cinéma !
Un cheval qui passe de main en main, tandis que le spectateur passe d'histoire en histoire sans aucun ennui possible, la diversité écartant toute monotonie : les acteurs se succèdent, et avec eux les caractères et intrigues. Il y en a pour tous les goûts, il suffit de ne pas s'attacher.
Ainsi nous voyons passer un capitaine, le très attachant Tom Hiddleston, deux frère soldats, le plus âgé étant le merveilleux David Kross (la joie de le retrouver fût malheureusement très vite écourtée...mon cœur s'en est trouvé brisé. Bref je m'égare...), une jeune fille et son grand-père (Niels Arestrup que l'on avait bien sûr repéré dans De battre mon cœur s'est arrêté mais aussi dans Le prophète), deux soldats ennemis fraternisant dans le No man's land...Apparitions fugaces mais appréciées dans la majorité des cas, panel diversifié dans les individualités, différents portraits tous touchés par la guerre de façon plus ou moins importante.

Parmi les figures plus présentes, on retrouve notre très cher Lupin (David Thewlis), dans un rôle « de méchant » assez conventionnel, mais surtout la talentueuse Emily Watson. Est-ce la couleur de cheveux ou les quelques années passées, si ce n'est son nom au générique, elle est méconnaissable. Elle est malheureusement assez fade et loin d'être transcendante dans ce rôle de mère rongée par l'inquiétude. Comme on est loin de l'incroyable Emily qu'on aimait tant dans Breaking the waves...On ne peut pas dire que le père relève vraiment le niveau de jeu familial, le tout est assez convenu. Ce qui nous amène au second personnage principal, premier humain, j'ai nommé Jeremy Irvine. Là aussi, et peut-être est-ce seulement un point de vue personnel, ça ne fonctionne pas totalement. Si notre cœur est happé avec grande facilité par le cheval, il n'en est pas de même pour son maître, qui dans les premières scènes a un visage inexpressif, comme figé par la cire dans une même mimique béate –bouche ouverte, yeux écarquillés. Pour faire simple et rapide, il manque quelque chose à ce jeune homme pour qu'on s'y attache véritablement. L'expérience, peut-être, et l'on peut supposer que cela viendra, ce ne sont que ses débuts sur les planches. Le charisme sans doute, et avec un peu de chance ça viendra aussi. Jugement sans doute encore subjectif, il n'est pas convaincant, et ne pas être en osmose avec l'une des figures principales du film, ça pose problème pour l'apprécier pleinement.

Si l'on aime beaucoup ce film pour son côté divertissant, à nouveau c'est une très belle histoire, on l'aime un peu moins pour son côté blockbuster qui veut plaire à tout le monde et qui dicte au spectateur la conduite à adopter. Certains suivront sans mot dire, d'autres se tourneront vers la porte de la rébellion. Chacun se laissera bluffer par le spectaculaire de la chose, mais la grandiloquence du tout en laissera inévitablement certains sceptiques.
Aucune larme ici, nous les avons laissées à l'arrêt La liste de Schindler, et nous retrouvons un nouveau soldat, plus grand public que celui nommé Ryan, car moins dur et plus équestre.

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le 27 févr. 2012

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emmanazoe

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