You know what happens to nosey fellas ?

Il existe plusieurs films où un coup d'oeil à l'affiche suffit à qualifier le genre auquel appartient le long-métrage, ainsi que les ingrédients qui se retrouveront inévitablement dans le récit afin de respecter le ton du thème choisi. Chinatown est une parfaite illustration de ce phénomène : son assez beau poster , ainsi que sa solide réputation, nous affirment sans équivoque que nous nous retrouvons devant un film noir, ou pour être encore plus précis, un film neo-noir. Tout l'intérêt du visionnage consistera donc à observer à quelle sauce le réalisateur et le scénariste nous proposeront les clichés du genre, ainsi qu'à apercevoir les quelques nouveautés amorcées qui permettront de détacher l'oeuvre d'une galerie de production similaires très classiques.


Comme tout bon film noir, l'histoire commence lorsque le détective privé Jake accepte une nouvelle affaire, qui consiste en l’occurrence à suivre un homme soupçonné d'infidélité et à recueillir les preuves de son méfait. Bien entendu, cette filature se révélera moins banale que prévue et, à la suite de plusieurs retournements de situation, Jake se retrouvera au cœur d'un sombre complot... On peut donc constater que l'intrigue de départ suit clairement les bornes du genre et ne cherche pas directement à se distinguer ouvertement du carcan habituel. C'est cependant tout à son honneur car l'atmosphère sombre et mystérieuse propre à ce type d'univers est parfaitement retranscrite à l'écran. De plus, malgré que ce type d'histoire était déjà en vogue dans les années 30, le scénario se révélera comme étant un des plus efficaces dans son domaine (à mon humble opinion bien entendu, il est évident que je n'ai pas vu tous les films de détective privé).


Le script oscarisé de Robert Towne propose ainsi une histoire résolument complexe, où les découvertes stupéfiantes s'enchaînent. Plusieurs interrogations et enquêtes se chevauchent ainsi, et le film n'a presque aucun temps mort : chaque scène, chaque dialogue a un objectif et sert de pièce de puzzle dans le mystère global du récit. Pour autant, le scénario réussit l'exploit à ne pas perdre son spectateur en présentant les faits d'une manière limpide et en n'hésitant pas à répéter certains éléments de l'investigation sans faire preuve de lourdeur. Cela est aidé par la réalisation de Polanski et certains éléments visuels marquants qui aident à faire passer du premier coup et sans perte de temps les implications de certaines séquences : la scène d'introduction (qui sera par la suite très drôlement parodiée dans Roger Rabbit) pose directement le côté malsain et gênant du métier du protagoniste principal, les passages chez Mulwray avec sa fontaine en arrière-plan montrent que le problème de sécheresse ne semble pas affecter tout le monde, et la blessure au nez du détective nous rappelle constamment le danger environnant.


Le film épouse donc en grande partie les codes de son genre, mais s'en détourne parfois ou les use justement afin de surprendre le spectateur qui se penserait en terrain connu. Ainsi, Jake (incarné par le charismatique Jack Nicholson) ne correspond pas exactement à l'image classique du détective privé de films noir, sans pour autant beaucoup s'en éloigner : il n'est pas spécialement solitaire ni déprimé, il défend sa profession et il possède un sens éthique assez fort.


On pourrait également citer comme exemple de ce détournement léger de cliché le personnage d'Evelyn : en tant que figure classique de veuve tentatrice, elle éveillera les doutes du spectateur qui la pensera complice du complot jusqu'au dernier quart d'heure du film. Ces 15 minutes précédant le générique, justement, seront celles qui seront les plus riches en rebondissement et qui surprendront le plus l'audience, de la révélation pédophile incestueuse qu'on ne s'attendait pas à retrouver dans un film noir du début des années 70 jusqu'à cette fin hautement tragique qui nous prend complètement par surprise alors qu'on s'attendait quelque instants auparavant à peine à un happy end ou à une fin plutôt douce-amère (une conclusion d'autant plus troublante quand on sait que c'est Polanski qui l'a imaginée et qui l'a inclue dans le film).


Cependant, même si le spectateur se laissera la plupart du temps entraîner par le scénario sans savoir exactement où ce dernier l'amène, il serait faux de prétendre que le film ne comporte pas quelques éléments prévisibles :


je fais ici surtout allusion à la romance entre Jake et Evelyn, ainsi qu'à la culpabilité de Cross.


En conclusion, Chinatown mérite amplement sa place comme oeuvre pivot du genre du film néo-noir, en grande partie grâce à son scénario passionnant, étant à la fois claire et dense, ce qui consiste un tour de force pour un récit original (on pourrait en effet jurer se retrouver devant une adaptation d'un ample roman !) Un film qui est donc à recommander donc vivement pour tous les fanatiques des disparitions mystérieuses, des conspirations à grande ampleur, des suspects cachant quelque sombre secret.... et de manière plus générale, à tous ceux voulant passer un bon moment devant une histoire efficace de détective privé.

MathiasLest
8
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le 26 août 2019

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Donald Duck

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