J'ai pas toujours été copain avec Michael Mann, il y avait toujours dans ses films un truc qui me chiffonnait, que ce soit sa réalisation ou l'exécution de son récit. Si je réussis maintenant à l'apprécier à sa juste valeur, je lui ai toujours reconnu une envie d’amener le cinéma plus loin (notamment dans le thriller) ce qui me plait particulièrement. Et c'est avec Collateral que j'ai eu la confirmation de l’étendue du talent du bonhomme, notamment pour son utilisation du numérique.


Petit retour/vulgarisation sur l'usage du numérique:
En 2001 sort Vidocq, réalisé par Pitof, si il n'a pas marqué tout le monde, l'Histoire s'en souvient comme le premier film a avoir été tourné entièrement et uniquement avec une caméra HD numérique. Il est suivi par Star Wars Épisode II en 2002, qui est le premier Star Wars tourné en numérique, contrairement a l'Épisode I qui ne bénéficie que d'une scène tourné avec ce type de caméra (première utilisation officielle d'une caméra numérique au cinéma par ailleurs). Si cette technologie a également servie Lars Von Trier et son Dancer in The Dark, uniquement pour les scènes de chants/danses, ou encore Alexander Sokurov pour son Arche Russe (un film uniquement constitué d'un véritable plan séquence) jusqu'en 2004 son utilisation sert avant tout a la pratique. En effet, elle révolutionne les effets spéciaux de Star Wars, permet la réalisation de L'Arche Russe et offre a Vidocq une liberté de mouvement de caméra et plus d'effets visuels. Seul Lars Von Trier l'utilise pour ses qualités "artistiques", il utilise l'éclaircissement de l'image et le grain particulier du numérique pour transmettre au spectateur les émotions de Selma, l'héroïne de Dancer in The Dark.


Puis arrive Michael Mann en 2004. Son projet est simple, il veut filmer Los Angeles comme personne auparavant. Et de nuit. Je rappelle que les événements de Collateral se déroulent en une nuit seulement. Qu'en est t'il de cette utilisation technologique pour ce film? Pari réussi. A 100%. Si les plans fixes offrent une netteté et des lumières sublimes, le film comporte beaucoup de scènes caméra au poing ou de grands mouvements. Les capteurs étant très sensible, on distingue très clairement la différence entre ces deux approches, les plans fixes sont calmes, la lumière est douce et les personnages nettes. Dès que la caméra bouge, les lumières sont éblouissantes, elles s'étirent sur l'image, les personnages sont flous on est donc immergés dans l'action. Et ça marche super bien. D'ailleurs, Mann se fait plaisir en filmant ses acteurs de très près, encore plus que dans ses autres films, le numérique laissant l'image nette sur les inserts et les visages des acteurs. Les gunfights gagnent en fluidité et en propreté notamment celui de la boîte de nuit qui est une référence dans le genre. J'ai longtemps attaqué le film sur cet aspect mais force est de reconnaître que l'utilisation du numérique dans Collateral est une des meilleures que j'ai vu avec Zodiac de David Fincher. De plus, cela permet a Mann de renforcer les thématiques du film, par exemple comment confondre un personnage au milieu d'une foule tout en focalisant l'attention sur celui ci? Réponse dès le 2ème plan, au milieu d'un aéroport bondé, Tom Cruise marche en pleine foule, il est caché et pourtant on ne voit que lui grâce au flou. Lui est net, la foule est floue. Cette astuce est réutilisé dans la scène de la boîte de nuit. En plus d'esthétiser le film, le numérique sert le récit. Brillant.


Voilà pour le numérique et la mise en scène. Qu'en est t'il du reste?


Le scénario est tout aussi brillant que la réalisation. Une merveille d'écriture. Ce qui est assez intelligent c'est de cacher la véritable nature du film dans ses 15 premières minutes. Hormis la courte scène d'ouverture à l'aéroport qui suscite un questionnement, le film commence presque comme une comédie! Un chauffeur de taxi roule dans tout L.A. en écoutant de la musique classique. Il parle avec ses clients, flirte avec une procureure, écoute de la musique classique, rêve... une journée normale et tranquille. Soudain arrive Vincent aka Tyler Durden (on revient sur les personnages juste après). Un corps tombe sur le taxi, la nuit commence. Pas besoin de s'attarder plus que ça, entre moments de pure tensions (le club de jazz entre autre), dialogues profonds, parfois même drôles avec un humour et un cynisme fou et développement de personnages intéressants, le script de Collateral représente ce qui se fait de mieux dans le genre.


Les personnages justement, ils sont extrêmement bien écrits et intéressants. Le meilleur étant sans doute Vincent (Tom Cruise). Au passage tout le casting déchire sa race. Un personnage froid, moralisateur, cynique, qui comprend le monde dans lequel il vit et vient tout dérégler pour son profit. Perso ça me rappelle Tyler Durden, le "héros" de Fight Club. Si on compare Max (Jamie Foxx) au narrateur de ce film précisément, cela saute encore plus aux yeux. Un personnage peu conventionnel vient changer la vie d'un homme banal pour son compte au point d'influencer celui ci. Ses remarques sur la mort et le monde contemporain renforcent d'ailleurs cette impression. Mais la comparaison s'arrête là.
Max quant a lui est attachant, maladroit mais bon et sentimental, on s'inquiète pour lui. On prend plaisir a suivre le parcours sanglant de ces deux personnages au cours de leur folle nuit.


La BO composé par James Newton Howard se fait remarqué et accompagne très bien les images même si elle est oubliable. Ce qui marque vraiment c'est la sélection musicale extrêmement variée et son utilisation très intelligente qui sert également le récit.


Voilà pour Collateral. Selon moi, un des meilleurs film des années 2000, a la fois beau, lyrique, intelligent, puissant, un film réfléchit dans les moindres détails, servi par un réalisateur visionnaire, des acteurs incroyables, des images sublimes et un scénario magistral. Collateral c'est tout ça a la fois.

MrRenton
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le 9 juin 2018

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