La jungle des animaux

Dragged Across Concrete, ou de façon plus poétique: Traîné sur le Bitume, est le troisième très long-métrage de S. Craig Zahler après le foutrement sympathique Bone Tomahawk et le (a mon sens) brillant Brawl in Cell Block 99. Et cette fois, il débarque avec pas moins de 4 acteurs déjà présent dans son dernier film, dont Vince Vaughn, qui a sans doute pris la meilleure décision de sa carrière en bossant avec le réalisateur et d'autres que je vous laisse découvrir. Un casting qui a fait ses preuves chez Zahler, auquel vient s'ajouter Papy Mel Gibson et le surprenant Tory Kittles qui tient le 3ème rôle principal avec le duo de choc Gibson/Vaughn.

Mais alors ça parle de quoi Dragged Across Concrete ? D'un braquage et des tenants et aboutissants de ce braquage au sein d'un microcosme que constituent les personnages du film. Et oui, le personnage principal de ce film quelque part... c'est le braquage. Puis les filatures et tout ce quelles impliquent. Le scénario de Zahler se concentre sur l'effet d'une action sur ses personnages bien plus que sur l'évolution de ses même personnages. Long 2h40 ? Nécessaire je dirais. La structure narrative du film consiste a diluer le temps et l'empreinte des personnages au sein du long-métrage pour mieux les réunir dans un ballet mortel qui embrasse de multiples points de vues pour mieux développer son propos. Un duo de flics mis sur le côté, un délinquant protecteur sorti de prison ou encore une employée de banque à l'instinct maternelle poussé ; tout ses personnages vont se croiser et influer sur le sort des autres, le tout écrit avec une fluidité d'écriture qui relève de la maestria scénaristique! Parce que Dragged Across Concrete est LOIN de se limiter a son postulat de polar reprenant des figures made in 80's. Si Brawl in Cell Block 99 ne vous avais pas déjà fait tiquer, S. Craig Zahler aime insufler du social de ses films et celui ci est peut-être son plus politique ! Le racisme par exemple, représenté par ses personnages a la frontière du politiquement correct, simplement en mettant en association un jeu de safari, "sport de blanc riche" et un documentaire animalier ou plus subtilement par la comparaison constante entre animaux et humains qui sert à théoriser le fait que l'humain est constamment tenté par un mal naturel en grandissant. Au delà de ce thème déjà visible dans Bone Tomahawk, on trouve une réflexion sur le pouvoir de la technologie et sur la place de l'être dans la société sous le prisme de son travail, notamment a travers le personnage de Kelly Summer (Jennifer Carpenter).

Ais-je besoin de préciser qu'esthétiquement le film bénéficie du travail exemplaire du chef op' déjà présent sur le précédent film de Zahler, avec ce souci constant de mettre en valeur ses décors ; et que les cadrages sont toujours sublime, d'autant que la caméra bouge très peu et que cela rajoute une tension déjà accentuée par des focales courtes qui étirent le cadre comme Zahler étire ses scènes. Les scènes d'actions et/ou violentes s'en retrouvent autant plus froides et sèches.

Dragged Across Concrete ne bénéficie pas d'une sortie en salle en France. Les distributeurs ont sans doutes peurs qu'un film aussi radical dans sa démarche ne puisse pas trouver son public. Vous voulez montrer que le cinéma d'auteur américain original et radical a toujours un public ? Achetez le Blu-Ray, louez le film, parlez en autour de vous ! Aucun film de S. Craig Zahler n'a pu sortir en France à l'heure actuelle et ce malgré des passages Hors-Compétition à la Mostra de Venise. Voyez la filmographie de ce réalisateur unique et voyez Dragged Across Concrete, le voyage en vaut la peine.