Dans la catégorie des cinéastes britanniques ne laissant pas indifférent les cinéphiles endurcis que nous sommes, le talentueux David Mackenzie fait décemment partie du haut du panier.
Alternant aussi bien avec le drame que les comédies romantiques, mais surtout le très bon (Perfect Sense, Young Adam) et le passablement mauvais (Toy Boy, Rock’n’love), le bonhomme nous avait pourtant méchamment impressionné avec son dernier long en date, Les Poings contre Les Murs, ou il se frottait au genre très codifié du film de prison, le tout sous fond de drame social et familial.


Joli regard neuf et rafraichissant d'un genre pas forcément au mieux ses derniers temps sur grand écran (Un Prophète d'Audiard, R, Dog Pound et dans une moindre mesure Coldwater et Bronson), malgré des cultes encore bien ancrés dans la psyché des cinéphiles endurcis (L'Evadé d'Alcatraz, Midnight Express, La Grande Evasion ou encore Les Evadés, sans oubliés les séries B Haute Sécurité avec Stallone et In Hell avec Van Damme); la caméra virtuose de Makenzie peignait avec réalisme le quotidien d'un milieu gangrené par la violence et touchait au sujet de la possibilité de réinsertion sociale des détenus - souvent effleurée mais rarement pleinement abordée -; le tout sous couvert d'une relation père/fils meurtrie et bouillonnante.


Attiré comme nombreux de ses collègues cinéastes, par les envoutantes sirènes d'Hollywood, le voilà de retour avec un nouvel objet cinéphilique de destruction massive made in US dans les salles obscures : Comancheria, pour lequel il s'est attaché les services d'un casting quatre étoiles (l'inestimable Jeff Bridges et les brillants Ben Foster et Chris Pine), pour mettre en scène le script du brillant Taylor " Sicario " Sheridan.
Le film suit l'histoire de deux frères, Toby (le cerveau) et Tanner (les muscles) qui, à la mort de leur mère, décide d'organiser une série de braquages pour éviter la saisie de la propriété familiale.
N'ayant plus beaucoup de temps pour rembourser leurs créanciers, ils vont braquer toutes les agences d'une même banque mais ils se verront très vite traqués par un ranger proche de la retraite et de son adjoint mi-Indien mi-Mexicain; qui se font un point d'honneur à déjouer leur plan...


Méchamment référencé (on pense logiquement au cinéma des Coen) et prenant, Comancheria, même si très européen dans son approche, convoque de toute son âme le cinéma américain des 70's avec sa passion pour la loi du Talion - la nécessité de se faire justice soi-même -, transposé au milieu des grands espaces arides et envoutants du grand Ouest, mais aussi de ses nombreuses bourgades fantômes et nostalgiques.
Un habile mélange des genres (le buddy movie, l'actionner solide, le road movie), incarnant une sorte de polar/western intelligent et furieusement rythmé, dans lequel Mackenzie développe à merveille ses thèmes chers (la famille, la loyauté, la masculinité à son paroxysme, la difficulté de trouver sa place dans la société actuelle), et immisce une critique fataliste mais nécessaire de l'Amérique (les questions houleuses sur les communautés et l'armement) mais surtout de la crise financière et du système bancaire qui gangrène ses terres; avec ses deux wannabe Robins des Bois/rejetés du capitalisme qui braquent une banque pour en rembourser une autre par la suite, sous peine de perdre un héritage familial (la maison) qui se doit d'être perpétué.


Ambitieux, offensif et brillamment mis en boite - le découpage virtuose de Mackensie fait une nouvelle fois des merveilles -, le film pose ses caméras sur une réalité désespérente (les grands espaces sont plus un symbole d'impasse que de réelle liberté) pour mieux dessiné un portrait désenchanté et colérique de deux frères bien différents (Pine est franchement convaincant, tandis que Foster, véritable boule de nerfs ambulante, est éblouissant) mais unit dans la vengeance face à une injustice qui frappe toute une classe sociale exclue du rêve américain depuis des générations.


Constat doux-amer sur une Amérique profonde saignée de toute part et au bord de l'implosion, moins radical et plus (trop ?) bavard que le chef-d'oeuvre Out of The Furnace de Scott Cooper, mais clairement l'une des séances les plus indispensables d'une rentrée ciné 2016 mine de rien férocement alléchante...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/09/critique-comancheria.html

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le 10 sept. 2016

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