"Ce pays n'est décidément plus pour le vieil homme."

Casting prometteur (le vétéran et excellent Jeff Bridges, le très demandé Chris Pine et le rare mais talentueux Ben Foster), B.O de très bonne facture, atmosphère moite et tendue...
Bref, au vu de la bande-annonce et du synopsis, ce polar avait tout pour plaire et, après visionnement, on peut dire que c'est réussi !


Les nombreuses critiques positives entourant ce film ne sont donc pas infondées et, en toute objectivité et à plus d'un titre "Hell or high water" (ou "Comancheria" en français) s'impose déjà comme, à mon sens, comme l'un des plus beaux films de l'année.


Au-delà de son intrigue somme toute relativement classique (deux frères braquent des petites banques afin de rembourser via des petits montants l'assurance-retraite de leur mère décédé, un vieux shérif désabusé et proche de la retraite se lance à leurs trousses), ce film se distingue du genre de par le regard qu'il pose sur une société américaine marqué par la crise des "subprimes" conduisant des hommes fauchés à se transformer en braqueurs peu scrupuleux prêt à commettre l'irréparable pour subvenir à leurs (maigres) besoins. Au milieu de tout cela, un vieux shérif donc (magnifiquement campé par un Jeff Bridges vieillissant mais toujours aussi charismatique), témoin dépassé par la mentalité d'un pays, d'un état (le Texas) qu'il ne comprend plus. A cet instar, ce personnage n'est pas sans rappeler l'autre vieux shérif désabusé interprété par Tommy Lee Jones dans le "No Country for Old Men" des frères Coen, auquel "Comancheria" renvoie par ailleurs beaucoup.
De par ses plaisanteries racistes à l'égard de son collègue moitié indien/moitié mexicain, le shérif incarné par Bridges se montre comme étant le témoin à la fois le plus cynique mais aussi le plus honnête vis-à-vis de l'image de son propre pays.


A coté de cela, les deux frères incarnés par Ben Foster et Chris Pine apparaissent comme les acteurs d'une situation qui, de par sa dangerosité, se retournera assez rapidement contre eux. Démunis socialement, voulant avant tout subvenir aux besoins de leurs familles, les deux hommes finissent par s'enfoncer progressivement dans une violence qui les dépasse.


Le réalisateur David Mackenzie filme donc le destin de ces trois hommes aux destinées différentes, faisant face à un pays auquel ils ne croient plus, un pays dans lequel les serveuses âgées peuvent se montrer aussi sympathiques qu'une porte de prison et où la plus banale des provocation peut très vite se transformer en règlement de compte musclé et sanglant.


Filmé en décors naturels (la photographie, très montagneuse et désertique, est splendide), utilisant le plan-séquence comme un facteur déclencheur de l'action plutôt que comme un simple gadget destiné à faire joli, laissant les acteurs prendre le temps de jouer tout en évitant de les laisser cabotiner, "Comancheria" n'est donc pas un simple "thriller classique" comme il en existe par centaine dans l'Histoire du cinéma, il s'agit avant tout, en cela proche une fois encore du film des frères Coen, d'un portrait d'une Amérique désenchanté, dépaysé, dans lequel les hommes ne savent plus où se situer moralement, où le bien et le mal semblent s'être égarés en cours de route, où l'argent semble être devenu l'ultime raison de vivre des hommes.


Avec son interprétation solide et juste, ses paysages majestueux et soufflants, son humour cinglant, sa violence sourde et son propos social désabusé, "Comancheria" s'affirme comme l'une des très bonnes surprises de l'année.


A voir !

f_bruwier_hotmail_be
8

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Créée

le 25 sept. 2016

Critique lue 622 fois

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