Deux heures super éprouvantes pour évoquer douze (DOUZE!!!) ans d'enfer pour trois révolutionnaires séquestrés par le régime militaire uruguayen, entre les années 70 et les années 80. Mais quel film, quand même. Il a déjà le mérite de poser clairement la question de qui on doit laisser définir en notre nom qui sont les terroristes. Évidemment, dans un pays frappé par les attentats, comme le nôtre, ça peut sembler inutile, mais quand même, ça mérite d'être débattu. Ensuite, ça a celui de secouer rudement le sympathisant mollasson des causes perdues dans mon genre (mollassonne, pas perdue, hein...). Pendant qu'on s'écharpe sur des âneries, des gens croupissent dans des geôles insalubres et secrètes, hors d'atteinte de tout filet de lumière, matérielle ou métaphorique. Et pourtant, de ces pourrissoirs ont parfois émergé des personnalités d'exception, comme Mandela ou Mujica. Car c'est bien de l'histoire de ce dernier qu'il est question. Tenté un moment par la lutte armée, erreur qu'il a eu amplement le temps d'identifier en 12 (DOUZE!) ans d'isolement absolu, voilà un révolutionnaire amendé qui a accédé à la plus haute mandature de son pays, et ça, ça aide à se dire que, quand même, malgré tout, on voit parfois des évolutions positives dans certains coins du monde. Du coup, quand ledit personnage, qui a frôlé la folie et donc la défaite absolue, nous raconte inlassablement combien la quête de l'accumulation de biens est une insulte à la vie, ça prend un certain poids. Surtout quand, comme ce film admirable le fait, le calvaire du prisonnier est mis en perspective en face des personnalités (... il me manque un adjectif, ces caractè-res là n'existant même pas dans mon monde) de ses geôliers. Individuellement, les soldats sont montrés comme de pauvres types tandis que collectivement, ils érigent un monument à la bêtise et à la bassesse qui mériterait de faire les dimensions du nouveau WTC... Cette scène - qui aurait pu être hilarante dans un autre contexte mais est juste navrante ici - où tous les échelons hiérarchiques d'une caserne se mobilisent pour résoudre un problème de cabinets en est une preuve éclatante. Bref, un film à voir, et peut-être même revoir, après avoir repris courage devant une animation française, par exemple, ou vidé un tonneau de rhum antillais, pour des tas de raison, dont les trouvailles visuelles et musicales ne sont pas les moindres. Comment rendre l'enfermement dynamique ? Vous avez deux heures.

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le 16 déc. 2019

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