Entre oeuvre d'art et attraction, ou le problème des films d'horreur actuels

Bon, il faut le dire dés le départ, James Wan est bel et bien le meilleur réalisateur actuel de films d'horreurs, du moins celui qui manie le mieux les codes du langage cinématographique pour susciter la peur, l'angoisse et la surprise sans se servir uniquement de cet effet médiocre et utilisé à outrance par des réalisateurs peu inspirés, à savoir le jump-scare.


Ce Conjuring 2, à la manière du premier, s'inscrit donc dans la plus pure tradition du film de maison hantée. Ce choix de repartir sur une intrigue similaire est un peu à double tranchant. D'un côté, cela correspond bien au domaine d'action du couple Warren, d'un autre côté les ressorts scénaristiques ont tendance à se répéter. Celui ci se révèle néanmoins beaucoup mieux rythmé et plus intense que le premier opus, proposant même trois ou quatre séquences véritablement oppressantes et jouant plus sur la longueur et l'angoisse que sur l'effet de surprise (et ce putain de jump-scare).


De fait, James Wan possède un véritable talent de mise en scène et arrive toujours, après trois films similaires (Insidious 1 & 2 et Conjuring 1) à proposer des effets de mise en scène (visuels, sonores et de montage) très efficaces. Sa caméra est possédée et se déplace dans l'espace à la manière d'un esprit. Le réalisateur ne se refuse rien et nous propose des plans décadrés ainsi que des plans magnifiques à la courte focale lui permettant de jouer avec la profondeur de champ, les effets de flou et les distorsions des lignes dues au grand angle.


C'est ainsi que je peux embrayer sur le principal problème du film et ce qui caractérise le plus la production actuelle de film d'horreur. Selon moi, Conjuring 1 et 2 ont été sauvés par James Wan, ce qui n'est pas le cas des autres films.


Le premier Conjuring était selon moi beaucoup trop classique dans son écriture et, bien que proposant un certain second degré très bienvenue et des séquences relativement drôles qui permettaient de laisser souffler le spectateur, ne proposait, au delà de sa mise en scène, rien de bien neuf. Pour ce second opus, c'est un peu pareil. je dois avouer que certains ressorts scénaristiques m'ont bien plu mais, globalement, l'intrigue est quasiment le copié collé du premier, avec cette fois ci un thème de fond beaucoup plus marqué, à savoir le doute de la foi.


J'ai cette impression que les scénarios des films d'horreur actuels ne sont qu'un prétexte pour enchaîner les séquences de frisson et ne se donnent plus la peine de proposer un véritable background, un univers fort (au delà de l'attachement que l'on peut avoir pour le couple et la patte visuelle du réalisateur, le contexte est difficilement posé), contrairement à la série Insidious beaucoup plus intéressante de ce point de vue là qui proposait en toile de fond une intrigue proprement intéressante et une vraie conclusion, non pas un happy ending digne d'une vieille série télé (oui Conjuring 1 et 2, c'est vous que je regarde.)


Pour résumer, les films d'horreur actuels ne sont plus considérés comme des œuvres d'art à part entière mais comme des objets marketting sensés créer le buzz, n'étant considéré par le public plus que comme une attraction de fête foraine (il suffit de voir les réactions des gens dans la salle et les débordements qu'on suscité des films comme Paranormal Activity et Annabelle pour s'en rendre compte) plutôt qu'un objet cinématographique à vivre de l'intérieur et à penser. Le problème, c'est que les distributeurs et les producteurs semblent agréer également à cette conception et ne se donnent plus la peine de proposer des films suffisamment originaux et pensés comme l'a pu être récemment The Witch.


Pour conclure, je dirai que James Wan se situe sur le fil du rasoir à ce niveau là, proposant une saga Conjuring à mi-chemin entre bon film d'épouvante et simple attraction, mais parallèlement une saga Insidious beaucoup plus pensée et oppressante, plus intéressante en terme de background et logiquement plus angoissante.


Bref, il serait profitable à tout le monde que les films d'horreurs (grand publics) redeviennent des œuvres pensées et réalisées par des artistes tels que James Wan et non plus des objets marketting vendus comme des montagnes russes et qui perdent totalement le respect, autant du grand public que des cinéphiles aguerris.


Mais allez voir ce film, c'est quand même bien !

Scorcm83
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le 5 juil. 2016

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Audric  Milesi

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