Creepy ne cache en rien son programme.
Pour la première fois, Kiyoshi Kurosawa ira directement à l'essentiel dans la noirceur un brin glauque avec de nouveau un titre court qui dit tout (une constante chez lui, que l'on pense à "cure", "kaïro"...) qu'on jurerait issu d'une nouvelle dessinée de Junji Ito. D'ailleurs ce malaise palpable que l'on ressent, n'est-il pas issu de cette ambiance dérangeante à la Ito ? Curieuse nouveauté de voir le réalisateur en un terrain bien plus mouvant qu'à l'ordinaire là où par le passé, les virages qui pouvaient aller vers un aspect "glauquissime" étaient corrigés par la poésie, la contemplation ou l'onirisme (se rappeler la fin de "Retribution" ou même encore dernièrement "le secret de la chambre noire" qui apportait une "fin bonus" comme un pansement alors que logiquement on aurait pu aussi bien finir le film plus tôt).
Naviguant tour à tour entre l'enquête policière et le film d'épouvante malsain, le film ne cache donc pas son programme. Il fait fi du suspens basique de toute enquête policière (on voit venir le "coupable" tout de suite et on voit bien que ce n'est pas ça d'ailleurs qui intéresse Kurosawa) pour se pencher plus sur les rouages de l'enquête en elle-même comme de la personnalité du manipulateur. Et à ce jeu là (en plus d'une maîtrise des cadres toujours fascinantes), à nouveau il est le maître. Il n'hésite d'ailleurs pas à imbriquer les deux pour définir un personnage portant le mal absolu tout en étant fondamentalement abstrait un peu comme dans Cure (par exemple l'étude de la topographie du terrain et du décor d'habitation fournissent une preuve et un leitmotiv pour l'histoire). Et plus que le gentil inspecteur à la retraite et son épouse, c'est véritablement cette figure aussi démoniaque que dans The strangers qui porte le film sur les épaules.
Malheureusement tout n'est pas parfait dans Creepy et malgré les bonnes idées (le sous-sol comme labyrinthe où la caméra se perd, une violence assez sèche, ce thème de la disparition qui irrigue à nouveau son oeuvre), le film se perd un peu en chemin : la dernière demi-heure, trop longue, évente tout mystère au profit d'un thriller noir plus basique, diluant un peu l'intérêt que l'on porte au film et ne faisant d'une figure trop théorique qu'un "méchant de plus". Un méchant bien corsé cela dit, mais un méchant.
Et pour celà, Creepy aurait pu devenir un grand film venant d'un grand réalisateur, il reste juste un bon film avec des possibilités pas toujours exploitées.
Creepy crispant donc mais intéressant néanmoins.