Cure (1997) - キュア / 111 min
Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa - 黒沢清
Acteur Principaux : Koji Yakusho - 役所広司 ; Masato Hagiwara - 萩原聖人 ; Anna Nakagawa - 中川安奈 ; Yoriko Doguchi -洞口依子 ; Ren Osugi -大杉漣.
Mot-clefs : Japon ; Thriller ; Psychologie.


Le pitch :
Tokyo 1997. Une série de meurtres est perpétrée selon le même modus operandi. Sur la gorge des victimes, un X est tracé à l'arme blanche. Les criminels sont incapables d'expliquer leur motivation. L'enquête menée par l'inspecteur Takabe conduit sur les traces du mystérieux Mamiya, un hypnotiseur frappé d'amnésie.


Premières impressions :
En 1997, Kiyoshi Kurosawa, 42 ans, est encore un parfait inconnu pour les cinéphiles et critiques français. Malgré vingt-cinq longs métrages et près de quinze ans de carrière, le seul Kurosawa que Max Tessier, spécialiste du cinéma japonais, mentionne dans son livre introductif au cinéma du soleil levant s'appelle Akira. Les nouveaux noms du cinéma japonais cités sont Kitano, Kore-Eda, Tsukamoto, Hashiguchi, mais il n'y a aucune référence à Kiyoshi Kurosawa. C'est logique puisque l'homme ne commencera à se faire un nom en occident qu'après "Cure", sorti rapidement en festival fin 1997 avant de jouir d'une sortie nationale en novembre 1999. Avec une intrigue radicale et une noirceur encore peu présente au cinéma à cette époque, le film choque au point que le film policier est régulièrement présenté comme un film de J-Horror, raison pour laquelle je n'avais encore jamais vu ce film puisque je déteste globalement les films d'horreurs. Ce n'est donc que cette année, vingt ans après la sortie française que je découvre "Cure".


Pour être parfaitement honnête avec vous, à l'origine cette critique devait se porter sur un autre film de Kurosawa et je pensais me contenter d'évoquer le film policier que je n'ai pas apprécié outre mesure avant de parler plus en profondeur de "Charisma" que j'ai beaucoup aimé. Pourtant, plus je passais du temps sur mon introduction, plus il me semblait un peu idiot de ne pas profiter de l'occasion pour vous parler de ma déception autour de "Cure". Pour cela il faut revenir à l'été 2018, lorsque je découvrais un peu par hasard un autre film policier de Kurosawa, "Serpent's Path", tourné en quinze jours en 1998 sous l'égide de la Daiei pour le marché direct to vidéo. Scénarisé par Hiroshi Takahashi, le scénariste de "Ring", j'avais retrouvé dans ce film tout ce que j'aime du cinéma japonais de la fin des années quatre-vingt dix : nihilisme, rythme lent, poésie, rapport à l'absurde... Dans "Serpent's Path", le peu de moyens alloués avaient obligé Kurosawa à se surpasser en ramenant la réalisation au plus proche de l'épure. Le terne de l'image, la monstruosité du prétexte (un homme veut se venger du viol et du meurtre de sa fille), la cadre visuel d'un simple entrepôt, la dualité des personnages, c'est tout le film qui m'emmenait dans une longue réflexion sur l'humanité. L'art de faire beaucoup avec peu.


En découvrant "Cure", lui aussi film-enquête, lui aussi basé sur la dualité de l'homme et du monstre qui sommeille en chacun de soi, où le réalisateur dispose de bien d'autres moyens et qui, cerise sur le gâteau, parle de "dérèglement" de la psyché (je suis psychologue de formation), j'espérais un feu d'artifice dans ma conscience... Hélas, trois fois hélas, malgré des qualités plastiques évidentes, le film m'en toucha une sans faire bouger l'autre. C'est qu'en ayant plus de moyens, Kurosawa complexifie inutilement son intrigue, son image et ses personnages. Alors que les décors de "Serpent's Path" étaient réduits au minimum, "Cure" multiplie les lieux d'intrigues et les victimes. L'enquête nous balade de maisons en poste de police, de salle d'interrogatoire en café, d'asile psychiatrique en salle de thérapie. L'amnésie du probable tueur en série et le mystérieux modus operandi des meurtres qui frôlent le surnaturel rajoutent encore à la confusion.


Quand je lis les avis sur "Cure", je lis beaucoup de commentaires du type "je pense que j'ai aimé, mais je ne suis pas certain d'avoir compris". Alors, si j'aime la complexité, si j'apprécie ce sentiment d'avoir à faire à un film "plus complexe que ma compréhension", je l'aime quand j'ai la sensation qu'il s'agit d'une vraie complexité de concept et de représentation, or, face à "Cure", j'ai le sentiment que la confusion est créée non pas à cause d'une subtilité du scénario et de la réalisation amenant à de nombreux niveaux de lectures (ce que je ressens par exemple dans "Burning" de Lee Chang-dong), mais plutôt à une complexification artificielle et inutile qui a pour résultat une sur-intellectualisation d'un film de serial killer. En d'autres termes si, dans "Serpent's Path", Kurosawa disait beaucoup avec peu, il en dit à peu près autant dans "Cure" mais avec beaucoup trop. Il suffit pour s'en convaincre de comparer les intrigues qui questionnent toute les deux la frontière poreuse entre l'homme et le monstre ainsi que la capacité de contagion du crime. Dans un cas, il s'agit d'un père de famille qui capture et torture d'affreux salopards pour savoir qui a fait subir d'horribles violences à sa fille. D'ans l'autre cas, il s'agit d'un flic qui poursuit un serial killer de meurtres mystérieux et qui a pour suspect un hypnotiseur amnésique sur fond d'ambiance surnaturelle...Tout est dit.


Cela étant dit, même si je ne l'ai pas apprécié, "Cure" est un film qui me semble important dans la filmographie de Kurosawa puisqu'il arrive à un moment charnière dans la carrière du réalisateur et qu'on y retrouve des thèmes qu'il ne cessera de traiter dans ses films suivants, y compris les plus récents comme "Avant que nous disparaissions". Son personnage principal, magistralement interprété par Koji Yakusho (Oh Lucy ! - Lorelei - Charisma...) n'est d'ailleurs pas sans rappeler le désabusé et le vide de ses héroïnes de "Shokuzai". En conséquence, je conseille "Cure" à ceux qui veulent revivre et comprendre la construction de l'œuvre du réalisateur ou qui cherchent un bon film policier. Quant à ceux qui recherchent la complexité de l'homme et le sentiment de flottement que nous procurent les films qui nous touchent à l'âme, je ne peux hélas que leurs dire que ce film n'a pas su trouver son chemin en moi. Le film est disponible en France, que ce soit en DVD, en VOD, en coffret et tutti quanti.

GwenaelGermain
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le 8 juin 2019

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