Ah les années 80 ! Ses lunettes bizarres, cette insouciance ambiante, cette impression que la vie peut se vivre au jour le jour car tout va bien et tout ira bien après - toute ressemblance avec une précédente critique serait totalement fortuite ! Les années 80, cette époque où l'on ne connaissait pas le préservatif ! Ne pas connaître n'est pas tout à fait exact puisque l'homme a cherché à protéger son précieux kiki - mesdames, vous savez comment sont les hommes avec ce qu'ils ont entre les pattes - depuis près de 5000 ans, même si ça devait être sacrément incommode, la vessie de porc.

Mais à quoi bon se protéger quand on n'est pas pédé, hein ? Les années 80. Apparition du SIDA, maladie d'abord classée comme maladie des homos, comme si c'était une sorte de punition divine qui ne concernait que ceux sortant du "droit chemin". Forcément, quand on annonce à Ron Woodroof - un homme, un vrai - qu'il a ce truc là il va avoir du mal à y croire. Profondément homophobe, il va se retrouver classé parmi ceux qu'il déteste par ses "amis" qui n'imaginent pas qu'il puissent avoir attrapé le SIDA autrement qu'en allant fourrer son kiki dans des endroits douteux - et masculins. Eh bien non, je revendique l'existence de pléthore d'endroits féminins tout aussi douteux ! Et la parité, alors ?

Les années 80, époque où le SIDA fait encore à peine peur et pourtant il tue à tours de bras, on ne sait pas le soigner - on ne sait toujours pas le guérir - on ne sait même pas le ralentir. On n'y pense pas, on ne se protège pas, sauf une fois qu'il est là. Et là encore, l'ignorance dicte les conduites à suivre. Les médecins portent des masques - inutiles, les amis ont peur de se faire cracher dessus, voir même d'approcher, de toucher le sidéen.

Les années 80, époque aussi très proche de la nôtre, où les lobbies pharmaceutiques font déjà des ravages, validant des médicaments leur rapportant un maximum d'argent tout en négligeant des rapports gênants concernant les effets secondaires ou l'efficacité dudit médicament.

Ron Woodroof refuse le système. En refusant le système, il rencontrera d'autres personnes dans son cas. L'amitié la plus improbable que l'on aurait pu imaginer va naître, entre lui et Rayon, l'homme qui voulait être une femme. L'influence de l'un sur l'autre, quoiqu'incomplète, se ressent au fil du film. Le duo fonctionne, apporte de la fraîcheur à un film qui aurait facilement pu se la jouer tire-larmes. On s'attache, on les aime, on a aussi parfois envie de les frapper - mais chez moi, l'envie de frapper un personnage est très souvent liée à une sorte de frustration par rapport à mon incapacité à l'aider.

Quand au physique, ah, le physique ! Quand j'ai vu Matthew McConaughey¹ j'ai immédiatement pensé à Christian Bale dans The Machinist. Et je me suis dit "P**** comme deux hommes peuvent se ressembler quand ils n'ont plus que la peau sur les os !" Alors que je ne leur ai jamais trouvé de ressemblance, par ailleurs. Leto est lui aussi dans son rôle, à fond. Un plan sur ses jambes alors qu'il monte en voiture m'a tiré la réflexion qu'il avait vraiment des jambes de femmes - sans doute que les talons aident.

Une double prestation magnifique, donc. Même Jennifer Garner, que je trouve habituellement quelconque, est à sa place dans le film. Simplement le fait qu'elle n'ait pas l'air ridicule face à ces deux monstres du cinéma l'a fait remonter dans mon estime. Je tiens cependant à adresser une correction capillaire à l'ami Gothic² : comment ça, elle est rousse ? Elle a les cheveux châtains, pas roux. Les mèches et les reflets, en fait, ça s'appelle une couleur. Regarde donc ses sourcils : eyebrows don't lie !
Bientôt tu vas me dire, en prenant arbitrairement un des passages du film que Jared Leto est blonde. Et puis quoi, encore ?!

Mais revenons à nos moutons sidéens. Woodroof n'en est pas un, de mouton. Il refuse d'accepter l'annonce de sa mort sous trente jours. Refus auquel il s'accrochera et qui l'aidera, sans doute, à avancer. Et comme l'écrivait Proust "La médecine n'est pas une science exacte"³. Elle est une science d'autant plus difficile qu'elle prend en compte des êtres humains. Pas facile à gérer pour des tests, des statistiques, pour faire des sous. Il y en aura toujours un qui refusera de rentrer dans le système et il aura peut-être raison. Il y en aura toujours un qui saura voir quand les médecins qui ont toute autorité ne nous disent pas qu'ils ne savent pas plus que nous ce qu'ils font.

Je ne peux donc que chaudement recommander ce film qui a le mérite de nous dépeindre savamment un lieu, une décennie, des personnes en souffrance mais aussi de nous faire sourire, rire. Parce que comme la vie, le film n'est jamais rose bonbon, mais ce n'est pas non plus toujours noir. Et j'arrête de vous saouler avec ma philosophie à deux balles. Allez voir le film et sortez couverts. Pour ceux qui sont allergiques au latex il restera toujours la vessie de porc.


1. pour la prononciation exacte c'est par ici : http://www.senscritique.com/list/APIness_Therapy_Ces_acteurs_au_nom_imprononcable/384697)
2. une excellente critique quoiqu'au jugement capillaire désastreux : http://www.senscritique.com/film/Dallas_Buyers_Club/critique/26794258
3. non je ne me la pète pas, oui maintenant je suis capable de citer Proust...C'est dans #Du côté de Guermantes, pour la page on verra plus tard.
Nomenale
9
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le 2 févr. 2014

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le 2 févr. 2014

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