Si vous cherchez une définition du « film à Oscar », Dalton Trumbo en est la parfaite incarnation. Quelques mots clés peuvent en effet vous aider : biographie, faits historiques américains méconnus et révoltants, rôle de composition, film à costumes… et on en passe. Bref, retour à Hollywood dans les années 40 où la paranoïa contre les communistes était de mise. Scénariste émérite, Trumbo est un danger potentiel pour l’Etat et est interdit d’exercer.
Pourquoi revenir à nouveau sur cet épisode obscur des États-Unis ? Certainement habité par l’urgence de dénoncer cette peur de l’autre qui nous habite encore aujourd’hui, le réalisateur d’Austin Powers et Mon beau-père et moi livre un biopic efficace. À la mise en scène sobre et classique, ce combat d’un homme à vouloir exister dans une société qui ne le reconnait plus est méritoire, sans user d’artifices dramatiques ronflants.
Mais là où les enjeux de Trumbo deviennent vraiment captivants, c’est dans l’ambigüité portée sur ce scénariste. Sert-il ses propres intérêts en rédigeant des dizaines et des dizaines de scripts ? Ou agit-il pour ce qu’il conçoit être une bonne cause ? Comment définir cet homme, est-il un communiste ou, au contraire, un pur individualiste ? Sur un ton léger (alors que le fond ne l’est jamais), Jay Roach s’amuse à brouiller les pistes et rendre son personnage énigmatique.
Avec un discours final pacifique et unificateur, on trouvera un Trumbo certainement très fier de ses exploits accomplis. On y décèlera également un homme simple et assagi. Un peu à l’image de ce film qui manque de verve et de caractère, mais néanmoins très bien incarné par le malicieux Bryan Cranston. Cet acteur à une aura folle, celle de démontrer à tout son entourage qu’il est le seul à détenir la vérité ultime, le seul à pouvoir arranger les choses. Se battant corps et âmes en écrivant des centaines de milliers de lignes pour pouvoir se sortir du gouffre, son énergie fait penser à celle ressentie dans Breaking Bad. Et ce n’est pas pour nous déplaire.
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