Un récit qui entremêle passé et présent dans un passionnant jeu de piste autour de l'oeuvre : Mary P

"Pour tenir une promesse que j’ai faite à ma fille" affirme Walt Disney ( Tom Hanks), pour justifier auprès de son auteure Pamela Lyndon Travers - Mrs travers pour les intimes (Emma Thompson), l’adaptation du fameux "livre pour enfants", Mary Poppins.

Sauf que celle-ci doute de la réussite du projet. Elle sait, en tant qu’auteur dudit livre, combien il est personnel et inadaptable à l’univers Disney… Conjugué à ses a priori envers ce que représente le studio à la souris, voila une histoire qui commence bien mal. Heureusement, le film choisit d’expliquer ces désaccords autant à nous qu’aux différents protagonistes du film, en pénétrant dans les souvenirs de P.L. Travers, et les quelques évènements qui ont marqué son enfance, qui ont forgé sa personnalité et construit son oeuvre.

Le titre original, Saving Mr Banks, indique que l’histoire n’est donc pas aussi balisée que le titre et l’accroche le laissent entrevoir sur l’affiche française. En effet, le film s’apprécie sur trois niveaux, très maîtrisés :

Le présent de P.L. Travers (1961, année de début de production du film Mary Poppins), comédie légère qui voit s’affronter Pamela Travers, Walt Disney et l’équipe qui tente d’adapter son oeuvre.
Le passé de P.L. Travers, en flashbacks, l’histoire relativement tragique de sa famille, et surtout celle de son père, le Mr Banks du titre (Colin Farrell, acteur au jeu quelconque interprète sans éclat un personnage très touchant)
Puis l’enquête que constitue le film, en mettant en parallèle ces deux récits, en utilisant l’un pour éclairer l’autre et parfois vice versa.

Cela devient passionnant lorsque l’on confronte le drame de Mr Banks – un homme qui n’arrive pas à concilier simplicité et joie de vivre avec les responsabilités familiales et professionnelles et dont la lâcheté causera sa perte, et la comique lutte de pouvoirs entre Pamela et le reste du monde. Pouvoir du sexe "faible", pouvoir de l’intelligence cynique, pouvoir de la maîtrise d’un univers émotionnel.
Le récit est parfaitement maîtrisé, ne cède à aucune facilité, n’enjolive rien et laisse le spectateur se forger sa propre image d’une auteur névrosée mais dont le parcours personnel se révèle émotionnellement tortueux, complexe et triste.

Evidemment, en tant que bonne vieille production Walt Disney, nous savons que tout cela finira bien, puisque le film existe.
Il n’empêche, la noirceur de la réalité de Mr Banks forme un équilibre bien précaire et troublant avec l’innocence de Helen, symbole de la jeunesse insouciante de P.L. Travers autant que de l’esprit d’une production Disney.

La mise en scène du film n’a rien d’exceptionnel et propose ce qu’il faut d’idées originales (2 : un joli travelling dans un train et une discussion dans un manège) pour une mise en image somme toute correcte de l’histoire. La photographie est douce et agréable, rien de plus.
La réalisation de John Lee Hancock repose donc entièrement sur la force d’un récit à tiroirs et l’interprétation.
A ce niveau, le casting est correct. La plupart des personnages servent de faire-valoir à la relation Disney-Travers, mais sont interprétés sans fausse note.
Emma Thompson donne un charisme et une détermination à P.L. Travers très intéressantes mais malheureusement aussi, au nom du sacro-saint mimétisme typiquement hollywoodien, tics, tocs et mimiques ridicules qui, en voulant surligner les névroses de Travers, finissent par desservir légèrement l’immersion dans le film.

Tom Hanks, lui, est parfait, même si son rôle est relativement réduit : il s’agit d’imprimer sa présence à l’ensemble du film. J’avais lu en 2007 une interview de Brad Pitt, ou le journaliste analysait sa présence à l’image. En tant que superstar, acteur mondialement reconnu et apprécié, impossible pour lui d’être réellement crédible en jouant le common man. Son statut d’icône l’oblige à n’incarner que des personnages iconiques. C’est ce qui se passe avec Tom Hanks dans ce film, ou son incarnation de Walt Disney est une évidence. Sans forcer le trait, il lui donne une vraie aura, juste le temps d’une courte aventure dans le parcours d’une immense personnalité du 7ème art.
Georgelechameau
7
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le 21 mars 2014

Critique lue 247 fois

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