Un restaurateur (blanc) à l'air niais, peu porté sur l'hygiène de son boui-boui et qui s'applique à tuer les mouches avec un élastique...


Un policier (blanc), son client, qui n'a pas l'air plus futé...


Plus tard, ce policier écoute dans sa voiture une chanson redneck drôlatique (dans laquelle il est question d'individus aux jambes arquées, aux dents de lapin, au regard qui louche...) et dont la maigre qualité tranche sévèrement avec le talent de Ray Charles (noir) chantant au générique de début...


Dans cette même voiture, une statuette protectrice de la Vierge Marie
(illustration d'une certaine superstition ?)...


Ce même flic reluque plus tard, toujours de sa voiture, une exhibitionniste (blanche) posant nue derrière sa fenêtre et tenant une bouteille de soda de manière suggestive...


Le décor est donc planté : ces Blancs du sud des États-Unis, franchement...


On a beau savoir que la réalité peut être pire encore, on se dit que la caricature risque de desservir le propos de Norman Jewison.


D'autant que le trait forcit un peu plus ensuite lorsqu'on apprend que le Noir (Sydney Poitier) d'abord suspecté d'assassinat par la police locale (paresseuse et raciste) s'appelle Virgil (sans E) et que la charmante bourgade où il a eu le malheur de mettre les pieds se nomme Sparta...


Difficile en effet de ne pas là voir un clin d'œil : Virgile, le poète, se fait maltraiter par Sparte, cette cité plus connue pour sa violence que sa pratique des arts...


Épaississement encore du contraste Virgil / Sparta lorsque ce black boy s'avère être un policier expert en homicides et qu'il en met plein la vue aux ploucs locaux -- c'est ainsi que le réalisateur veut qu'on les voie -- en demandant notamment quantité de choses (aux noms parfois techniques) afin de déterminer les causes du meurtre qui vient d'avoir lieu.



Ammonium hydrosulphide, benzidine, superoxide of hydrogen. Copper powder, distilled water. A six-inch celluloid scale. Thermometer. Some tweezers. Callipers. And some toothpicks.



Un Noir élégant -- le chef de la police, lui, mâche bruyamment en permanence un chewing-gum, arbore des lunettes aux verres pisseux --, calme et rigoureux, qui fait donc la leçon aux Blancs ignorants.


Or l'abrutissement de ces pauvres types du commissariat n'est rien en comparaison de celui d'autres énergumènes résidant à Sparta, prêts à lyncher Virgil parce que sa couleur de peau ne leur revient pas...



I say this nigger won't live past Saturday.



Même si les moyens de faire valoir sa dénonciation du racisme tranquille sont un peu faciles, l'histoire mise en scène par Norman Jewison tient la route, l'enquête menée est prenante, l'étude des personnages est solide, leur évolution bien travaillée.


Sans compter que malgré la gravité du sujet, le réalisateur distille une bonne dose d'humour et offre à Rod Steiger (le chef de la police) un rôle inoubliable.

Arnaud-Fioutieur
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le 22 déc. 2019

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