Je trouve que c'est un divertissement honnête.
J'aime bien le concept de la mise en abîme sur l'écriture, qu'on trouvait déjà dans le "magnifique" avec Bébel, mais cette fois à la sauce thriller, et cette confusion grandissante entre les niveaux de récit, la fiction, et le réel.
C'est plutôt malin et pas mal foutu.


Maintenant le hic principal c'est le fond.
Dans la maison, il ne se passe strictement rien et on s'y emmerde entre deux sous-entendus homoérotiques chelous (qu'on ne s'y trompe pas, malgré l'attirance factice du lycéen morveux pour les milfs du film, les personnages y sont tous plus gays que des phoques).
C'est pas spécialement bien filmé non plus, ça fait très sitcom M6, avec un dispositif de caméras assez simpliste.


Et y a un décalage trop fort entre la perception du personnage du prof qui considère que l'écriture de son élève est géniale, et le concret quand on écoute cette voix-off omniprésente qui débite des banalités insondables qui auraient plus leur place dans du Marc Levy que dans du Flaubert..


Le jeune comédien m'a pas mal exaspéré, d'abord devant la caméra avec ses regards appuyés pour essayer vainement d'être inquiétant, et en off avec cette voix suave et onctueuse faisant saigner mes pauvres oreilles. Et cette voix-off finit par considérablement alourdir le film, omniprésente au point d'étouffer tout le reste. D'intrigant aux premiers instants, le film devient plat, prévisible et terriblement répétitif.


Le film tombe dans un piège en voulant à tout prix retranscrire par la voix off, les mots de l'apprenti écrivain. D'abord parce que je pense que c'est un procédé anti-cinématographique, et ensuite parce que les mots en question sont faibles, pauvres (palpitant par exemple de répéter 450 fois "femme de la classe moyenne"), illustratifs. Donc quand en plus de l'image, on a une voix-off qui n'apporte rien de supplémentaire, ça ne fonctionne plus du tout.


Ozon en voulant à la fois jouer les cartes du littéraire et du cinéma, se plante dans les deux camps. Soit tu assumes l'aspect littéraire du truc, et tu mets une voix-off sans l'illustrer par des images qui seront redondantes et tu laisses l'imagination du spectateur travailler (et donc par exemple tu restes sur Luchini pendant 1h45, ce qui peut finir par être chiant, surtout vu la pauvreté du texte), soit tu fais du cinéma et tu filmes l'histoire racontée en virant la voix-off (ce qu'il tente d'ailleurs sur quelques séquences, qui sont généralement les meilleures du film). Mais pour moi tu peux pas faire les deux à la fois sur tout un film sans te planter. A petite dose à la limite, mais là on ressent trop la lourdeur sur une si longue durée.


Donc récit pas franchement folichon, sans véritable fin, mais à la place un gloubiboulga de péripéties qui n'en finissent plus avec des rebondissements inintéressants qui ne riment plus à grand chose.


Et un truc qui m'a fait marrer, c'est le troll totalement gratuit et hors sujet sur l'art contemporain (et là aussi, extrêmement répétitif, peu imaginatif, lourdingue comme pas permis, et juste pas drôle).
Autant dans "Intouchables", on était dans du troll de prolo, plutôt rigolo, là on passe dans un truc presque malsain, puisque c'est du troll de bobos qui eux-mêmes adorent l'art contemporain mais essayent de jouer la carte de l'autodérision, en montrant qu'ils sont capables de s'en moquer, alors qu'ils doivent passer leur vie dans ce type d'expos.


Entrer chez les bobos, c'est peut-être aller à la découverte d'un monde de postures, de paraître, d'hypocrisie et de faux-semblants.

KingRabbit
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le 2 août 2018

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KingRabbit

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