Ha, les périodes de fin d'années, périodes rieuses, faites de courses aux cadeaux, de tensions familiales et de ventres atteignant le point de rupture. ET de rediffusions de ses films préférés, véritable rituel annuel où l'on redécouvre à nouveau ses classiques. Aussi important que la dinde, il va sans dire. Cette année, j'ai décidé pourtant d'ajouter un peu de piquant à cette tradition aussi vieille que la télé : je vais rattraper mon retard en matière de films de jeunesse, ayant, apparemment, réussi à échapper à la plupart d'entre eux. Donc, en plus des "Maman, j'ai raté l'avion" et consort, j'ai entamé une découverte de l'univers des marionnettes, l'âge d'or du fantastique animatronique (ou investi d'un être humain bien caché). Et dans ma liste, bim, voilà Dark Crystal, loué pour être l'apothéose du travail de Jim Henson et Frank Oz, une oeuvre de fantasy pour petits et grands, a priori, qui va encenser la magie qui gît encore dans le petit être morbide que je suis. Un programme comme j'aime.
L'histoire prend donc pied dans un monde plutôt apocalyptique et aride, dont on nous précise qu'il est ainsi depuis que la race des Skeksis en a le contrôle. Les salopards sont apparus lors du bris d'un énorme Cristal, colossal source de pouvoir qu'ils détiennent jalousement et grâce auxquels ils règnent sans partage. Seulement voilà, c'est une espèce sur le déclin, tout comme leurs pendants bénéfiques, les potes Mystiques, une espèce elle aussi apparue quand le cristal s'est vu brisé, mais qui, pour sa part, est bien sympatoche. Mais un poil glandeuse. Du type à chercher la signification philosophique de la poussière pendant que ça se trucide en arrière-plan. Entre les deux, il y a Jen, le dernier des Gelflings, une espèce qui, elle, s'est vue totalement décimé par les Skeksis et pour cause : selon une prophétie, un enfoiré de Gelfling va venir recomposer le cristal et changer la face du monde. Forcément, ça motive pas mal les méchants à tacler un peu la plupart de ses représentants.
Premier constat : clairement, on sent qu'on atteint là le top niveau de la maîtrise des marionnettes. Oubliez les errements parfois un peu embarrassants d'une Histoire sans Fin, là, c'est le haut du panier, la crème de la crème. Les marionnettes sont extrêmement vivantes. Preuve en est : aucune d'entre elles n'est jamais statique. Jamais. Si un Skeksis est immobile (comme par exemple, dans l'ouverture du film où ils absorbent le pouvoir du soleil pour prolonger leurs existences), on dénote quand même les mouvements de sa respiration, le petit tic de sa paupière et ainsi de suite. C'est juste incroyable de maîtrise et en prime, on ne va pas s'en plaindre, le tout est souligné par un design exceptionnel. Les méchants ont une classe folle et la scène du banquet permet de l'exprimer le plus puissamment du monde. Et même, on oublierait presque de saluer la capacité des designers à générer des environnements crédibles : la forêt où Jen rencontre Kira est tellement vivante qu'à la place du personnage central, j'aurais pas spécialement moufté. Tout bouge, tout paraît prêt à vous dévorer derrière un talus. Ambiance !
Par contre, autant les designs sont cool, autant, putain, ils puent l'angoisse la plus totale. Les méchants font atrocement flipper, les petits équivalant d'Ewoks locaux foutent le malaise et même le profil du héros paraît tout juste humain. C'est bien simple, je sais pas comment montrer ça à un gamin sans qu'il se mette à hurler. En prime, le propos est plutôt désespéré, la plupart des gentils sont habillés de couleur terne et seuls les méchants paraissent riches et sont habillés de couleurs - mais agressives. Chouette. Et en plus, il y a cette scène de banquet où l'on baffre, sacrément baroque, ou la scène où l'on découvre comment les Skeksis prolongent leur existence, en suçant l'énergie vitale de la petite race ewok, les transformant en zombie docile. Juste violent.
Sans déc', des enfants voient ce film sans finir en thérapie ? En plus, le héros a cette capacité à être juste horriblement horripilant : il passe non seulement son temps à geindre en voix-off, mais en prime, se retrouve avec un Éclat de cristal, un Cristal Sombre et jamais, jusqu'à ce que tout semble perdu, que tous ses amis soient morts, que le monde sombre dans le chaos, il ne voit réellement ce qu'il faut faire. Ça donne même lieu à une séquence où il regarde, pénard, sa petite copine se faire débiter en fines lamelles, tout en geignant de ne pas savoir quoi faire pour la sauver. Et moi, devant ma télé, je hurlais "Mais putain, sors-toi les doigts !". C'est d'autant plus rageant qu'à part geindre, il n'a pas l'air spécialement spécial, ne fait pas la démonstration d'un courage émérite et même - détail amusant - se permet d'être moins compétent que son pendant féminin ! A un tel point que j'ai trouvé énormément injuste qu'on ne découvre pas qu'elle était, en réalité, l'élue, tant elle fait, genre, deux fois plus de trucs que lui, qui est tout juste apte à se faire promener à droite à gauche.
Bon, la note ne vient pas de l'angoisse générée par les horribles Skeksis. Les qualités du métrage sont vraiment impressionnantes, les designs classieux (bon, à part les Gelflings, franchement), le monde est relativement cruel et cette jungle, bordel, elle envoie pas mal. Je pense que mon manque de passion pour le film vient du côté 100% marionnette. Autant, dans "Labyrinthe", les figures humaines sont un poil ennuyeuses, autant ça fait un point de repère anthropomorphe sur lequel s'attacher. Et éprouver de l'empathie de façon bien évidente. Autant là, Jen ne m'a jamais ému, quand bien même il était le plus humain possible, et je pense que cela vient en partie du fait qu'il n'ait pas été totalement humain. Et aussi, franchement, de son écriture hallucinante, qui donne envie de lui refiler des gros pains dans la gueule. Donc voilà, j'ai eu du mal à entrer dans le film, je n'ai pu qu'observer sa plastique incroyable et ses méchants vraiment inquiétants. Dommage que les gentils n'aient jamais bénéficié d'un traitement équivalent. Dommage aussi que le fait que Kira soit plus compétente que Jen n'ait pas été assumé jusqu'au bout, afin de créer une synergie équivalente à celle d'Harold et d'Astrid, de Dragon.