À l’attention de l’éventuel lecteur : mieux vaut avoir vu le film avant de lire cet avis.
(Bien qu’il soit sans doute préférable de ne pas le voir du tout…)


Alors qu’un ciel grisâtre favorisait ma mélancolie naturelle, je pris la décision de lancer ce film en songeant : « Oh, par tous les diables, pourquoi pas, je risque tout de même de me détendre. »
Quelle erreur ! C’était bien autre chose que je risquais…


Adaptation filmique du soap-opera de Dan Curtis (lui-même diffusé dans les années 70), le film présente l’histoire de la famille Collins désireuse de rétablir sa gloire d’antan (comprenez, son monopole sur l’industrie du poisson…) face à ses rivaux de toujours. Les difficultés s’enchaînent jusqu’à l’arrivée d’un ancêtre, Barnabas, frappé par une malédiction qui l’a transformé en vampire : si celui-ci est projeté dans le futur, nous spectateurs, plongeons dans le passé. Burton aime bien explorer cette veine nostalgique qui constituait déjà le sujet de Big Fish.


Mais disons-le d’emblée, le film est vide, creux, sans vie, plus pâlot qu’un teint vampirique et m’a semblé durer une éternité… Une vraie pour le coup, pas seulement deux siècles passés dans un tombeau à l’instar de ce petit joueur de Barnabas ! Non, ce film m’a enseigné le plein sens du mot éternité !


- Une brochette d’acteurs dignes d’être empalés -


Vous l’aurez compris, ce film et ses acteurs m’ont franchement agacé : entre la petite blonde insupportable fraîchement débarquée de Kick-ass et Johnny Depp qui répète inlassablement le même rôle dans lequel il s’est confiné depuis des années, jouant de ses mimiques insupportables… Est-ce que quelqu’un aurait l’obligeance de lui dire de ne pas toujours jouer le personnage de Jack Sparrow ? À croire que Depp ne sait jouer que Depp qui joue la comédie…
La relation entre sexfriends avec, d’un côté Eva Green, sorcière nymphomane et de l’autre Depp, vampire blasé, sert de prétexte à un racolage visuel des plus méprisables et paraît hautement improbable : cette femme l’a maudit et enfermé dans un cercueil et lui ne se montre même pas un tantinet violent, cédant sans broncher à ses pulsions lubriques… (même si je peux concevoir que la vue d’Eva Green ferait bander un vampire à la sortie du pieu)
Et même là, tout est aseptisé et paradoxalement accompagné d'une dose de vulgarité, c’est-à-dire d'une teinte contemporaine repoussante.


Les personnages manquent tous cruellement de subtilité : l’adolescente en recherche d’autorité paternelle n’a aucun intérêt (si ce n’est de séduire un public prépubère), le personnage de H.B. Carter (séparez vie privée et vie professionnelle, on ne le dira jamais assez...) ne sert à rien si ce n’est à rallonger le film qui bâcle même l’histoire d’amour du départ : Victoria/Josette, caricature romantique, est un personnage affligeant qui se veut tragique, incarnant l’histoire mièvre de l’amour éternellement perdu près d'une forêt inquiétante une nuit d’orage sur une falaise abrupte : tout cela fait l’effet d’un Poe mielleux.


- Humour douteux, résultat hideux : le « gothicomique » -


Cette comédie avec un vampire essaye de jouer sur le décalage temporel, voilà le dispositif comique du film qui engendrera une ribambelle de gags pesants qui font penser à une version halloween du film Les visiteurs. Barnabas débarque dans les seventies, une époque qu’il découvre en même temps que le spectateur. Et vas-y que je parle à la dame dans la télé et que j’apostrophe les voitures aux phares sataniques… Peu à peu, le vampire sang-canaille au point de devenir complètement ridicule.


L’humour est désagréablement gras : le spectateur a même droit à une blague sur les « balls », jeu de mots minable maladroitement légitimé en alléguant le sens, rare en anglais, de « bal ».
Malgré le fait que ce soit un film grand public, j’ai été surpris par la fellation qui arrive comme un poil sur la langue (blague concurrençant l’humour du film, désolé), ça en dit long sur ce que l’on montre aujourd’hui à la jeunesse en termes de « comédie » et puis, c’est assez surprenant de la part de Burton. (question d’ordre biologique : les vampires n'ont-ils pas le sang froid ?)


Si l’érotisme et les vampires sont souvent liés (pensons au fameux « baiser du vampire » qui hante l’imaginaire et au Dracula de Coppola dans lequel sucer le sang est un acte érotique), ici, tout est outrancier au point de muter en vulgarité.

Le corps d’Eva Green est sexualisé au possible : petite tenue, décolleté généreux ; ce qui contribue à faire passer son attribut de nymphomane avant son essence de sorcière… Barnabas se retrouve même avec une culotte sur la tête à un moment : sérieusement, quels sont ces effets puérils ? Ajoutez à cela un concours de vomi encore moins classe que celui de Scarry Movie 2 (c'est dire) et une scène d’ébats improbables sur du Barry White et c’en est trop !
L’envie de mettre fin à ce lamentable spectacle est palpable.


- Une réalisation sans ail ni saveur -


La bande-originale, d’ailleurs, se compose essentiellement de chansons populaires (l’apparition d’Alice Cooper, inutile) et la musique de Danny Elfman est, pour le coup, complètement anecdotique.
Ce que l’on a là, c’est un film standardisé, fade, sans caractère aucun, formaté pour les adolescents en phase de sombritude, un film de studio type grand spectacle sans la moindre griffe artistique. Comble de l’ironie pour un réalisateur qui avait réussi à développer un univers visuel cohérent et qui se voulait reconnaissable… Il n’y a ici aucune idée dans la réalisation, aucun effet visuel remarquable ni aucune composition esthétique qui sauve l’ensemble.


Si le détestable Barnabas aime se réchauffer la carcasse en faisant des pirouettes avec sa plantureuse sorcière, grand bien lui fasse mais restons sérieux, ce n’est pas en l’agrémentant de rapports sexuels acrobatiques que l’on donne âme à un film… D’autant plus que ces moments se trouvent bien peu justifiés dans la trame narrative.
Les métaphores visuelles sont lourdes (avoir le coeur brisé…) et le final est plus que confus : entre la petite loup-garou, la mère fantôme, l’autre vampire, la sorcière, on ne comprend pas bien ce besoin ridicule de multiplier les monstres sans leur donner de consistance. Et que dire de cette bagarre générale truffée d’effets spéciaux qui pètent dans tous les sens…


Insipide comme notre époque, ce film témoigne du fait que Burton pense pouvoir tout se permettre, se justifiant de toute entreprise en l’intégrant à une espèce d’oeuvre supposée singulière mêlant le même (recycler ses thèmes de prédilection comme la monstruosité ou l’incompréhension de l’enfant qui voit des esprits) et la nouveauté. Or, ici, la nouveauté, qui consiste à rajouter un humour gras et des effets inutiles, n’est guère réjouissante. Burton est dans l’auto-référence : la fête ratée, accompagnée par la musique de Bellafonte, ne manque pas de rappeler Beetlejuice… D’autant plus qu’il s’agit également ici d’une maison qui reprend vie grâce à l’influence des trépassés. Mais le seul fantôme qui semble hanter le cinéma putride de Burton aujourd’hui, c’est l’argent.


Bref, une resucée.

Dépeupleur
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le 10 mars 2018

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