Peu médiatisé par chez nous, le scandale DuPont a pourtant fait grand bruit aux États-Unis. Révélé par l’avocat Rob Bilott (et Wilbur Tennant, agriculteur de Virginie Occidentale victime de la pollution massive de l’entreprise), ce scandale mettra en lumière les pratiques plus que douteuses (euphémisme) de DuPont : dissimulation d’informations sur la dangerosité de certains de ses composants chimiques (dont l’AFPO, ou C8, utilisé dans la composition du Téflon), rejets toxiques et enfouissements illégaux avec, comme conséquences, un empoisonnement des eaux, de la terre, et un accroissement des cancers.


Basé sur l’enquête du New York Times de Nathaniel Rich, Dark waters, s’il ne renouvellera pas le genre du film-dossier judiciaire, genre codifié laissant généralement peu de place à la singularité et si cher aux Américains (et davantage quand il met en scène des femmes et des hommes ordinaires luttant contre des puissances sans scrupules, appareils d’État ou multinationales privées), se montre pourtant passionnant de bout en bout. Et Todd Haynes de ne jamais chercher la surenchère, l’éventuel spectaculaire d’un film à charge. Au contraire, Dark waters est volontairement sobre, feutré dans sa maîtrise (mise en scène, musique, photographie aux tonalités hivernales d’Ed Lachman, tout est d’une parfaite retenue), et pourtant implacable dans sa démonstration et son réquisitoire.


À l’instar des réussites que furent Révélations, Erin Brokovitch ou Spotlight, Haynes mise sur une méticulosité des faits jamais fastidieuse et une empathie XXL pour son personnage d’avocat (Mark Ruffalo, la force tranquille) prêt à tout risquer pour la vérité (sa carrière, son couple, sa santé) et pour un combat qui, 20 ans après, se poursuit encore et toujours. Un carton final vient rappeler l’âpre réalité de l’affaire DuPont : l’AFPO est dans le sang de pratiquement tout organisme vivant sur la planète, y compris 99% des humains. Tandis que DuPont, classée en 2016 au deuxième rang du top 100 des pollueurs atmosphériques des États-Unis, continue de développer ses activités et d’enrichir ses actionnaires. Et quand on pense à Monsanto, Exxon, Total, Gazprom, Petrobras ou Coca-Cola (sans parler de l’industrie textile ou minière), on se dit que le cinéma a, malheureusement, encore quoi faire, quoi dire et quoi dénoncer.


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mymp
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le 4 mars 2020

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