Porté par la vague de bons biopics et de bons films historiques (dont un petit film sorti en novembre dernier, n'en déplaise à certains) que l'on peut admirer (en cachette) ces derniers temps, je m'attendais à voir le film français immanquable de ce mois-ci, le film sur de Gaulle tant attendu mais jamais vu.
Mais ce fut oublier, dans ma naïveté, deux choses: tout d'abord que le film fut réalisé pour une sortie en 2020, année consacrée en la mémoire du général, ce qui témoigne alors d'un opportunisme commercial, et puis que son réalisateur, Gabriel Le Bomin, est derrière la caméra, lui, qui n'en est certes pas à son premier film, mais qui n'en est pas moins inconnu.
Forcément, plus l'espérance est grande, plus la déception est violente. De Gaulle c'est cela, une déception de laquelle émane un sentiment de gâchis, une idée en or qu'on a transformé en un tel pétrin.


Un non-dit plus qu'une subtilité réside déjà dans le titre, De Gaulle. Car Le Bomin est tiraillé entre la description d'un général et celle d'un homme. À force de vouloir tout aborder en profondeur, il sépare les deux nuances au lieu de les rassembler avec un lien qui, si fragile, se brise, très tôt dans le film. Et alors ce n'est plus de de Gaulle dont on parle, ni le général, ni l'homme, mais de sa femme, Yvonne, de sa fille handicapée et de sa famille. Ce n'est plus un tout mais un rien, plus une description mais une évocation. Un échec.
Une contradiction qui, sans surprise, ralenti le film, ne parvenant qu'à l'appel du 18 juin 1940, dans une scène mélo. La suite et fin, ce n'est qu'une série de cartons explicatifs. Une esquisse plus qu'un portrait de de Gaulle donc.


Seul M. Le Bomin en est est coupable. Lui et sa mise en scène hésitante, tremblotante, lui et ses niaiseries (la lecture d'une lettre en caressant des gerbes de blé en est le summum).
Car tous les autres donnent le meilleur d’eux-mêmes et ne demandent qu'à réussir.
Lambert Wilson (dont on applaudira le choix audacieux de critiquer un lynchage public, en pleine promotion, quitte à attirer les foudres du boycott), lui et sa prothèse nasale, qui interprète avec justesse l'imposant général.
Isabelle Carré en femme forte, l'ombre tout aussi imposante de de Gaulle, et les autres acteurs, évitant parfois de justesse le ratage, mais livrant au final des performances acceptables.
Ce qui est à la limite de l'acceptable, c'est ce Tim Hudson qui cabotine et caricature Winston Churchill.


De Gaulle aurait pu être l’équivalent français des Heures Sombres, de par ses acteurs, costumes et décors, mais se perd malheureusement perdu dans cette masse de biopics américanisés, de par une hétérogénéité difforme, son médiocre montage, et le travail oubliable de Le Bomin, rendant une copie sale et incomplète.
Un film qui se nomme De Gaulle qui n'aborde pas, ou qui aborde mal, sa personne n'est nécessairement pas un bon film. Peu importe comment on y remédie, ce ne sera pas un bon film.
4,5/10.

Virgule1
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le 7 mars 2020

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