S'attaquer à une figure historique pose toujours un épineux problème. Question d'angle, question d'envergure. Privilégier l'approche maousse avec les points d'orgue ayant déjà une place dans la dimension mémorielle ? Ou la porte dérobée vers l'intime, vers le moins connu et ces "petites choses" qui ont fondé le personnage illustre ? Un dilemme que beaucoup choisisse de traverser, en espérant viser juste sur les deux cibles narratives.
De Gaulle opte pour la même stratégie. Et on le comprend. Il faut dire que l'homme porte tellement de titres (général, résistant, héros, chef-d'état,...), impose une geste si unique, et une histoire si foisonnante, comment choisir ?
Le problème est bien là. Le personnage est trop massif, trop riche, trop tout. En tout cas pas adapté au format imposé par Gabriel Le Bomin. Situé à l'orée des fondations mythiques du général De Gaulle (l'appel du 18 juin 1940), le film peine à sonner juste sur tous les plans (ou presque).
La guerre est tout près de se finir pour la France, pressurée par les forces armées de l'Allemagne, et rien n'est perceptible. Ni tension, ni sensation de défaite inéluctable. Laisser de côté les ruines de la guerre aurait pu être justifié si la bataille politique livrée dans les arcanes du pouvoir était puissante. Dans un cas comme l'autre, De Gaulle rétrécit le champ jusqu'à ce qu'il devienne insignifiant.
D'une facture artistique assez fade, le long-métrage découpe sa narration entre les discussions de bureau amorphes, les séquences en extérieur très exigus, et les scénettes familiales sirupeuses.
Plus grave, cette absence d'entrain se ressent même lors de ce qui devrait être le clou : le fameux appel à la résistance prononcé depuis Londres. Il arrive ici alors que le rythme lancinant et les rebondissements mornes ont déjà considérablement entamé l'intérêt porté à ce que nous raconte De Gaulle.
Même chez les acteurs, le résultat est décevant. De profil, le Lambert Wilson recouvert de prothèse peut faire penser à son modèle historique. De face, c'est déjà moins convaincant même si le comédien y met de la volonté. Que faire avec une écriture aussi plate ? Tim Hudson ne résiste pas au cabotinage en Churchill et c'est tout aussi problématique. Reste une poignée de bons seconds-rôles (Isabelle Carré, Olivier Gourmet), mais leur performance est de limiter la casse déjà conséquente.
Finalement, le bon choix était peut-être de sélectionner une seule voie (la guerre, la politique, la famille), puisque les trois à la fois ont suffit à dévitaliser la mythologie De Gaulle en moins de 2 heures.
Pour faire de la figure historique un beau morceau de cinéma, il faut éviter de le confiner à l'anecdotique.

ConFuCkamuS
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le 7 mars 2020

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