De rouille et d'os par Kalimera

Bon d'accord, je suis à la traîne, cette critique à trois bonnes années de retard.
Mais que voulez-vous, je suis du genre à freiner des quatre pattes quand on m'assène avec vigueur et constance une promotion filmique qu'il ne faut en aucun cas manquer sous peine de passer pour une pôvre fille.
Mais voilà c'est enfin fait, j'ai vu "De rouille et d'os".
C'est bien filmé, le grand con est formidable de vérité, on aimerait appréhender le handicap comme il le fait, avec naturel et sans gène et ça je peux vous dire que c'est difficile.
J'ai habité quelques mois prés d'une bergerie paumée, mon propriétaire, un beau mec de quarante ans, très sympa avait perdu ses deux bras, pratiquement jusqu'à l'aisselle, dans la herse amoureuse de son con de tracteur....
Il nous a reçu pour la première fois avec ses deux prothèses en plastique, généreusement payées par la sécu, manches de chemise baissées.
C'était un mec pudique.
La semaine d'après, je l'ai vu arriver dans le jardin avec une bouteille d'alcool coincée tant bien que mal sous une aisselle et un paquet de coton, cordon coincé entre les dents...sans ses" bras "et me suppliant presque de lui passer de l'alcool sur les moignons (putain que ce mot est moche), ses belles prothèses faites en fibre de verre lui laissaient des fibres minuscules dans la peau.(merci la sécu, tout le monde n'a pas une super assurance, hein)
Et on a parlé, beaucoup... j'ai aimé son discours sans auto pitié, sans regrets et plein de pudeur.
Dans le film j'ai reconnu ce moment lorsque Stéphanie se promène avec ses nouvelles jambes et ne veut pas se baigner, parce qu'il faudrait se "déshabiller" devant tout le monde.
J'ai demandé à ce gars si il avait hésité à venir me voir, je dois dire que j'ai été flattée lorsqu'il m'a dit qu'il savait toujours comment les gens l'appréhendait. Il avait apprit à lire les non-dits et les regards (peu de regards dans le film et pourtant ils sont d'une grande importance dans ce cas, il me semble.)
Mais je dois vous le dire c'est dur, très dur de rester naturelle en passant un coton imbibé d'alcool sur les cicatrices d'un homme que l'on ne connait pas et qui soupire d'aise. C'est très dur.
Une autre chose que j'ai aimé dans le film, c'est la fascination de l'enfant pour les prothèses, je l'ai aussi reconnue.
Je me suis souvenue de mon fils de deux ans qui tendait les bras à tout le monde sauf à notre fermier, même la première fois, et qui lui aussi touchait les prothèses de ses petites menottes sans peur et avec naturel.
Voilà, mais la douleur terrible de l'amputation n'est pas traitée dans le film, cela surprend quand même, on insiste sur la dépression mais je trouve qu'il manque ce "petit" quelque chose, qui me semble avoir son importance, on dirait que ces jambes coupées ressemblent à une coupe de cheveux, non ?
Les acteurs sont formidables, j'ai aimé l'histoire d'amour, je sais que c'est possible, mon agriculteur maladroit à retrouvé l'amour après avoir perdu ses bras.
C'était un super mec.