J'ai appris l'existence de Defendor en voyant le DVD en magasin, peu après la sortie au cinéma de Kick-ass, et ma première pensée a été "oh non, déjà un film qui essaye de s'emparer du succès de Kick-ass". J'ai ensuite vu qu'il y avait Woody Harrelson sur la cover, et me suis dit que c'était peut-être pas n'importe quoi après tout, en tout cas pas un plagiat à la Asylum.
J'ai appris plus tard qu'il était question d'un héros attardé partant en quête contre "Captain Industry", et que le film s'avérait plutôt triste. Ca m'a convaincu que je devais lui donner une chance. De toute façon j'étais déjà prêt à le voir à partir du moment où ça parlait d'un real-life superhero.
Je vais maintenant de citer Kick-ass, Defendor n'a finalement rien à voir avec ce film de Matthew Vaughn, si ce n'est son point de départ qui est similaire, par un fâcheux hasard.

Arthur Poppington, ou Defendor, c'est ce que serait Forrest Gump s'il avait eu les ambitions d'un Batman. La force, la richesse, les gadgets en moins. Et dans un environnement plus réaliste. Il n'y a que la musique, plutôt cool, fait parfaitement penser au film de super-héros classique.
Du super-héros de fiction, Arthur tient néanmoins les one-liners bêtes, toutes faites, et balancées de façon forcée, comme "make like a rocket, and take off". Un des méchants se moque d'ailleurs de lui pour ça, ce qui en général n'arrive jamais à un Schwarzie ou un Stallone.
Arthur m'a un peu fait penser à Dirty Harry aussi, quand il distingue les méchants en les traitant de punks. Quelqu'un qui ne respecte pas la loi, c'est un punk ; un policier qui ne respecte pas la loi, c'est un punk avec un badge.
Notre héros avec 80 de QI a tout de même du discernement, et parvient à exprimer correctement quelles sont ses valeurs. Comme souvent dans des films avec un attardé, la bêtise du personnage paraît variable. Difficile de se mettre dans la tête d'un tel personnage, pour un scénariste, en tout cas.
Arthur a l'air d'un benêt quand il est devant la psy, et il a des tics de faible d'esprit, comme son insistance à ce que l'on dise "Defendor" et non "Defender", sans quoi il se fâche. D'autres fois, il agit comme quelqu'un de plus futé qu'il ne devrait l'être. Il est par exemple assez malin à chaque fois pour savoir quand le chef de la police cherche à le piéger, et partir à temps. Il est aussi assez débrouillard pour repérer, selon lui, 8 façons de sortir du poste de police, ou pour utiliser un pétard sur une serrure (collé avec du chewing gum).
Mine de rien, le fait que le personnage pense à nomme sa porte "defendoor" et sa figurine de chien "defendog" relève plus du comportement infantile que celui de quelqu'un d'idiot.
En même temps, je ne sais pas à quoi ça correspond vraiment, 80 de QI, mais le personnage a moins l'air d'un attardé que quelqu'un qui vit dans un monde d'enfant, sans pour autant être totalement ignorant des thèmes adultes comme le crime et la sexualité. Mais sa lutte contre les mafieux ressemble à un jeu. Refusant les armes à feu (mais équipé d'un "trench club", une batte avec des dés de métal incrustés dedans), il préfère utiliser des billes, du jus de citron, ou un lance-pierre. Bizarrement, les mafieux semblent pendant un certain moment rester dans la même sphère que lui, en se montrant un peu trop gentil. La première fois qu'ils le tabassent, ils m'ont paru ne pas le faire assez longtemps et assez sévèrement. Plus tard, Arthur s'en sort même quand les adversaires sortent les flingues. On se demande d'ailleurs pourquoi ils ne l'ont pas fait plus tôt, alors qu'ils n'ont pas autant tardé pour se débarrasser d'autres personnes.

La ville dans laquelle agit Defendor est pourtant présentée comme comprenant de gros problèmes de criminalité. Un animateur radio sarcastique sert de narrateur au film, faisant état au début de la corruption et de la prostitution dans la ville, et plus tard donnant la parole à ses auditeurs pour que le spectateur soit tenu au courant de l'opinion publique par rapport à Defendor.
Les personnages de prostituées du film apportent malheureusement leur lot de situations déjà vues, et presque clichées.
On a Kat, celle qui rencontre le chemin de Defendor par deux fois, qui finit on ne sait trop comment à rester chez lui alors qu'elle pensait juste devoir lui tailler une pipe au début. Et alors qu'elle est menteuse et renfrognée au départ, elle s'amuse avec Arthur et devient son amie. Heureusement, cette conversion trop aisée n'est pas complète, contrairement à un film qui serait complètement rentré dans le cliché, étant donné que Kat reste un peu conne et retourne sur le mauvais chemin vers la fin.
On a aussi la mère d'Arthur, qui elle incarne totalement le cliché de la femme débauchée mais qui a un fils qu'elle aime. Elle vient lui dire bonne nuit une cigarette à la main, une bouteille d'alcool dans l'autre. Avant de le quitter, elle dit à son fils de regarder la lune chaque fois, qu'elle le fera aussi, ainsi ils sauront qu'ils regardent la même lune même s'ils sont séparés l'un de l'autre. Un discours qui me ramène des années en arrière, puisque dans le film "Dennis la malice", la mère du héros lui disait la même chose. Ca explique peut-être qu'Arthur utilise un lance-pierre comme arme de tir ?
Au moins, par rapport à la question de la prostitution, le film met au courant de la gravité des activités criminelles des méchants, rien que par cette scène où l'on voit une immigrée forcée à devenir esclave sexuelle. On prend conscience de la dimension dramatique de ce type de crime, généralement oubliée dans les autres films de super-héros, ou de héros tout simplement, où les méchants sont présentés juste comme des méchants sans que l'on s'attarde sur la gravité des actes qui leur valent ce statut, l'accent étant plutôt mis sur les actes de bravoure du héros qui les met en échec.
Sans vraiment apporter de réponses, le film soulève de bonnes questions par rapport au bien, au mal, et la distinction entre les deux quand on veut être un super-héros dans un univers concret. Via un dialogue entre un enfant et sa mère qui veut lui enseigner une morale, on a cette interrogation de la part du jeune garçon : "is it ok to fight to save someone ?".
Et à un autre moment, quand Arthur finit son entretien avec la psy, par rapport au fait qu'il ait foutu un type mauvais dans une poubelle, il demande "was it wrong". La psy n'est pas sûre.
Eh ouais, c'est plus compliqué de savoir que dans ces films de super-héros manichéens où on peut foutre une raclée à un bad guy, sans que la police ne fasse chier le gentil.

Defendor comporte des dialogues très bien écrits, le scénariste et réalisateur Peter Stebbings sachant amener les conversations là où il veut, sans en avoir l'air, et tout en conservant un enchaînement naturel entre les répliques.
Il sait aussi très bien amener les informations, rien que par les moments où il fait connaître les noms des personnages comme Fay et Kat. Cela survient dans des dialogues qui, pour les personnages, sont anodins, alors que le spectateur, pendant ce temps, comprend avec surprise certains enjeux et connections dans le film.
L'explication sur l'identité de Captain Industry arrive aussi à un bon moment, à savoir suffisamment tard dans le film. C'est à cette idée quand même que l'on doit l'existence du Defendor, et une fois exposée pleinement au spectateur, elle s'avère infiniment triste.
Tout d'un coup, il nous apparaît qu'Arthur se bat contre des moulins à vent, ce qui est d'autant plus triste étant donné l'essence purement positive de ses intentions. On le sait, mais Arthur ne peut s'en rendre compte. On se reconnaît dans le regard de compassion que la psy pose sur lui, quand elle comprend elle aussi.
Tout ce sur quoi il a bâti sa vie était faux, et a fait qu'il veuille combattre le mal, est faux ; c'est comme si Batman apprenait que ses parents étaient vivants et se la coulaient douce en Floride depuis tout ce temps.
J'ai failli verser une larme quand l'ami d'Arthur cherche à lui sortir une morale en disant que même les gens ordinaires peuvent faire des choses extraordinaires, et qu'il n'a pas besoin de costume pour agir tel un Defendor.
De même à la toute fin du film.
Pour moi, Defendor est un film avec une âme. Une bonne âme. C'est l'essentiel.
Un film beau et triste, une alternative tragique nécessaire aux films de super-héros habituels.
Et je regrette que Peter Stebbings soit principalement acteur, et n'ait pas fait d'autres long-métrages.
Je recommande vivement Defendor.
Fry3000
8
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le 24 mars 2012

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Wykydtron IV

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