De Wolfgang Staudte on connaît surtout "Les assassins sont parmi nous", le premier film d'après-guerre qui laisse dès son titre peu de place au doute quant au menu. Si la thématique reste sensiblement la même dans "Des roses pour le procureur", à savoir la persistance de la pieuvre nazie dans la société civile allemande, il y a de quoi être surpris par la tonalité choisie pour raconter cette histoire, la satire.


Staudte se place cette fois-ci à la jonction entre la fin de la guerre et le début de la paix. En introduction, on voit un caporal être condamné à mort par un tribunal de guerre pour avoir acheté deux rations de chocolat au marché noir : la sentence est lourde, mais revendiquée par un conseiller juridique nazi un poil zélé qui y voit un moyen de maintenir la discipline. Sauf que l'exécution n'aura pas lieu suite à un concours de circonstances, sans qu'il en soit conscient, et que cette affaire reviendra le hanter dix ans plus tard, lorsqu'il sera devenu un procureur censément respectable — mais parfaitement horrible, un nazi tapi dans l'ombre qui aide ses amis antisémites à fuir le pays et échapper à des condamnations. Sur le ton de la comédie satirique, le présupposé à l'abattage par temps de guerre, devenu camelot, se retrouve dans la même ville que le nouveau procureur et cette situation provoquera bien des malaises des deux côtés.


D'un côté, le camelot peut se faire retirer sa licence en un claquement de doigts ; de l'autre, le procureur risque de voir son passé peu glorieux exposé sur la place publique. De ces craintes croisées naîtra une série de quiproquos et de situations loufoques constituant l'ossature du film, avec en ligne de mire ces hommes qui tentent tant bien que mal de s'inventer une passion pour la démocratie en Allemagne après avoir servi la dictature nazie. Le ton de la tragi-comédie convient étonnamment bien à cette satire judiciaire même si de nombreux passages souffrent de trous d'air, à commencer par l'histoire d'amour qui n'apporte pas grand-chose. La charge est véhémente sans être désagréablement implacable, et comporte une dose de cette mauvaise conscience allemande qui irriguera le cinéma national encore des décades (voire des siècles, sans doute) plus tard. Le motif de la mémoire et de l'hypocrisie consentie est un enjeu assez bien tenu ici.

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le 26 août 2020

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Morrinson

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