Le cercle des esprits rebelles entre les murs

Très remarqué pour sa critique acerbe et cynique du racisme quotidien aux Etats-Unis, Tony Kaye nous revient avec un film sur la condition des enseignants et des élèves dans les lycées. Et, une fois de plus, la noirceur l'emporte.

Detachment est un film paradoxal. Bourré de défauts, et recelant cependant un charme indéniable, un petit quelque chose qui le rend véritablement bouleversant pour peu que l'on parvienne à passer outre ces défauts. Crevons tout de suite l'abcès, le gros souci vient du scénario. Une histoire classique qui renvoie à d'autres classiques du cinéma US (Le cercle des poètes et Esprits rebelles en tête), un nid de personnages clichés, et une certaine tendance à appuyer certains effets narratifs qui auraient gagnés à rester dans le non-dit, le suggéré. Le pire et, sans doute, le plus impardonnable, vient de la relation entre Barthes et son grand père, ou certaines vérités faciles à deviner sont ici lourdement soulignées. Dommage.

Dommage car, pour peu que le spectateur parvienne à oublier ce classicisme de fond, il se retrouvera alors la gorge serré par un film d'une beauté et d'une simplicité poignante. Detachment assume ses défauts, sa simplicité apparente, cette imperfection et cette fragilité qui renvoient à ses personnages, et ne cherche pas à se cacher. Formellement, c'est bel et bien un ovni, qui détonne un peu au milieu de tous ces films sortis du même moule.

Ici, le réalisateur prend un risque, quitte à élever certains contre lui. L'utilisation répétée de la courte focale peut déstabiliser, de même que ses changements de format à répétition. L'aspect un peu documentaire du film, avec sa caméra portée et ses interventions de prof façon télé réalité surprend mais ne déplaît pas forcément, pour peu que l'on s'y fasse. Et les petits dessins au tableau qui ponctuent le film sont une trouvaille visuelle aussi étonnante qu'efficace.

Porté par un casting de choc, tous d'une justesse et d'une simplicité confondante, Detachment ne plaira pas à tout le monde. Mais, pour qui saura aller au-delà de ces défauts, il promet une expérience comme on en vit trop rarement de nos jours. Un film coup de poing, le premier gros choc de cette année 2012.
Hyunkel
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Johnny Spoiler vous ruine le film

Créée

le 2 févr. 2012

Critique lue 582 fois

3 j'aime

1 commentaire

Hyunkel

Écrit par

Critique lue 582 fois

3
1

D'autres avis sur Detachment

Detachment
bdipascale
4

Pleure, je le veux !

Il y a dans Detachment la volonté de trop en dire. En réalité, on a bien ici la matière pour faire un film de 3h. Le problème, c'est que 3h de side stories diverses condensé en 1h37, ça donne un...

le 4 févr. 2012

46 j'aime

5

Detachment
Before-Sunrise
6

Tabouret, corde. Et hop là.

Detachment n’est pas du tout le genre de film à voir un dimanche soir avant de reprendre une semaine de boulot quand on travaille dans l’enseignement ou le social. C’est pourtant ce que j’ai fait, et...

le 22 janv. 2013

32 j'aime

4

Detachment
EvyNadler
9

L'école des âmes...

C’est marrant comme on ne se rend pas forcément compte, dans les premières dizaines de minutes d’un film, du potentiel de ce dernier et du bouleversement que ça sera quand le générique retentira...

le 25 sept. 2014

31 j'aime

4

Du même critique

Ma première fois
Hyunkel
3

L'amour au temps du Biactol

Bon en même temps, c'est vrai qu'avec un titre pareil, il ne fallait pas s'attendre à un film contemplatif sur la méditation transcendantale. Et que le résumé laissait augurer du pire. Mais bon, de...

le 17 janv. 2012

57 j'aime

6

Il était temps
Hyunkel
4

Back to the boring

Empereur de la comédie romantique à l'anglaise, Richard Curtis fait prospérer les vendeurs de mouchoirs depuis déjà vingt ans. Qu'il soit derrière la plume, comme pour 4 mariages et un enterrement et...

le 27 nov. 2013

29 j'aime

17

The Dark Knight Rises
Hyunkel
5

Gotham champ de bataille

Il y a sept ans, avant la sortie de Begins, Nolan partait avec le confort offert par un anonymat relatif, et surtout le désastre innommable, ineffable et total qu'était Batman et Robin. Aujourd'hui,...

le 27 juil. 2012

28 j'aime

7