Dans ce combat que mène une jeune femme, à savoir convaincre plusieurs personnes à renoncer à une prime de 1000 euros en échange de la sauvegarde son emploi, j'y vois plus le portrait d'une femme au sortir d'une longue dépression.
Elle doit se faire violence pour taper à la porte des gens, à expliquer son problème, à essuyer des refus, des hésitations, des gens qui disent oui, en bref, je vois plus une femme qui se dépasse que de tenter de garder son travail. Encore une fois, je suis sidéré par le jeu de Marion Cotillard, qu'on voit évoluer au fur et à mesure, prenant de l'assurance, mais gardant en elle cette gêne de quémander, à la limite de la supplication. Elle peut compter sur son mari, le très bon Fabrizio Rongione, pour l'épauler dans sa tâche. On y trouvera un habitué des Dardenne dans un rôle bref mais capital, mais je laisse la surprise.
Comme souvent chez les Dardenne, le film est sans aucune musique, et il y a une réelle urgence à filmer ; c'est à peine si on se croirait dans un thriller caméra à l'épaule. Peut-être est-ce parce que cette femme doit convaincre douze personnes, j'ai pensé à Douze hommes en colère, dans le sens où les retournements de situation sont également présents, où les hommes sont devant leur avenir ; mille euros, c'est tout de même une somme, surtout dans une zone apparemment sinistrée au niveau de l'emploi !
Bien entendu, on peut penser à ce qu'on ferait dans ce cas. Mais, sans aller trop loin dans l'histoire, il en ressort une grande solidarité, la victoire de l'humain sur le matériel ; quelque chose qui peut avoir une résonance à notre époque. D'ailleurs, la fin est magnifique, avec ce que gagne le personnage joué par Cotillard...
Plusieurs scènes m'ont souvent ému ; celle des médicaments où, prise par le désespoir, elle avale plusieurs Xanax et finit à l’hôpital pour un lavage d'estomac, et un moment très fort ; celui où elle rencontre le footballeur qui éclate en sanglots, ce qui la laisse complètement coi.
Honnêtement, je ne sais pas si l'histoire est crédible au niveau du code du travail (français ou belge) et à la limite, je m'en fiche ; je juge un film, pas un documentaire. Mais ce que j'ai m'a bouleversé comme rarement, dans ce portrait de femme pressée et le jeu très profond de Marion Cotillard. Il y a quelque chose dans l’œuvre des Dardenne qui touche, qui émeut, et celui-là ne fait pas exception, ce qui est marque la marque des plus grands.