Un jour que je me promenais entre les rayons poussiéreux d'un magasin d'occasion, je vis, entre moultes "chefs-d'oeuvre" de série B, Devdas, à la pochette sépia hideuse, pour la modique somme de 50 centimes. Moi qui, pour le moment, avais eu beaucoup de mal avec les bollywoods, me décidais malgré tout à l'acquérir, guidé par la rumeur selon laquelle il serait culte et exceptionnel pour un film du genre.
Les jours passaient, l'immonde pochette me regardait avec toujours plus d'insistance, dominant fièrement une pile de DVDs à regarder, scrutant mes faits et gestes, tel le Portrait de Dorian Gray. Etait-ce un bon film, était-ce un navet ? Détournant le regard de cette horreur, je fuyais lâchement, apeuré par la durée de 3h de ma vie que j'aurais à dépenser peut-être vainement.
Prenant mon courage à deux mains, je décidai un jour de glisser le DVD dans mon lecteur, comme un défi à cette pochette, comme un coup de poignard au tableau. Et la surprise fut de taille !

Les décors sont somptueux, les couleurs merveilleuses, ma rétine a jouit a plusieurs reprises. Bien sûr c'est kitsch, mais à l'inverse des précédents bollywoods que j'ai eu le malheur de voir, j'arrive ici à passer outre cela ; il y a une atmosphère qui fait que j'arrive à pardonner ce too-much facilement gerbant. Je suis resté en extase devant ces merveilleux palais à l'architecture magnifique, aux intérieurs multicolores, et ces costumes resplendissants bien que parfois "bling-bling".
Au niveau du scénario, c'est banal cette histoire d'amour, une histoire d'amour impossible, deux âmes unies depuis la naissance que la société sépare, ça sent le Roméo et Juliette. La morale est bidon : les prostituées sont des êtres humains (putain trop raison quoi), boire c'est mal (une maladie grave et incurable pourrait venir vous foudroyer assez rapidement, c'est bien connu)... On sombre parfois un peu dans le mièvre verbal, mais le langage corporel est fascinant. Fascinante, cette retenue, cette pudeur sensuelle qui attise le désir.
Pour les acteurs je ne les ai pas trouvés sensass (mais l'actrice qui joue Paro n'est pas mal du tout physiquement parlant, et c'est quelqu'un qui à la base n'est pas vraiment féru de la gente féminine indienne qui vous dit cela), les acteurs secondaires ont souvent l'air débiles, souvent caricaturaux, mono-caractériels, enfin ce n'est pas non plus extrêmement gênant, car l'immersion fictionnelle est là malgré tout.
Les danses sont vraiment chouettes, et ne viennent pas pourrir le film toutes les 10 secondes, on a le temps d'apprécier des scènes "normales" sans qu'un guignol sorte de derrière une charrette et vienne chanter : "Elle a acheté du pain, elle a acheté du pain, Hosanna, Hallelujah !", et la rue de chanter en coeur et danser (quoique, j'ai le fantasme secret que ce genre de choses m'arrive dans la vraie vie). Puis la musique n'est pas dégueu je dois l'avouer. Après je ne m'y connais pas trop en musique indienne, à part Ravi Shankar vite fait donc mon avis ne vaut pas grand chose sur ce point.
Mais ce qui m'a le plus séduit dans ce film, ce qui a certainement fait passer sa note de 7 à 8 en un rien de temps, c'est sa fin (et non ce n'est pas un argument pour que vous le voyiez de bout en bout). Une fin plutôt surprenante à mon goût et d'une beauté incroyable, l'acmé de ces 3h avant la chute du générique, générique pendant lequel je suis resté légèrement abasourdi. Enfin je ne vais pas vous spoiler sur ce point, j'espère vous en avoir juste assez dit pour vous donner envie.

En bref, pas le film parfait, pas le film du siècle mais un film pas mal du tout, le premier bollywood que j'ai vraiment apprécié, avec quelques nuances certes.
Finalement, j'aime ce DVD même s'il est laid. Il est mon Sinok que je sortirais fièrement de sa cave pour l'exhiber au monde, et c'est avec plaisir que je lui ai donné son choco : il a à présent sa place attitrée sur mon étagère...
King-Jo
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le 22 janv. 2013

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le 22 janv. 2013

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King-Jo

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