L'enfer et le paradis
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Après avoir lu un certain nombre de critiques sur le film (bien souvent négatives) et quelques peu réfléchi sur le sens du film, je ne pense pas que prendre Dheepan par le prisme du film social et de vengeance, de lui donner un sens réactionnaire sous fond de "passer au karsher les banlieues", soit réellement la bonne optique.
Un environnement social, le film l'a c'est certain. Il est très fort, très présent. Exacerbé même, car il n'est pas réaliste et le film ne cherche jamais à représenter une version réaliste des banlieues parisiennes. Cette exacerbation n'a pas ici de valeur sociale mais purement scénaristique : la violence extrême de l'environnement urbain sert justement à exacerber les sentiments des personnages.
Dheepan raconte la construction d'une famille, la reconstruction d'un homme surtout, un homme rongé par la guerre qui fait encore rage dans son pays d'origine. Un désir d'intégration mais surtout un désir de paix, une paix que cet homme ne trouve malheureusement pas dans son nouveau logement. Si le film a bien quelque chose de social, c'est dans ce portrait de personnages qui eux existent réellement, que nous ne comprenons généralement pas.
Pour le reste, Dheepan est un pur drame audiardien avec ses conflits familiaux et amoureux, sa violence latente, son lieu social comme moteur de l'action. Pour autant, la violence dont tout le monde parle n'est pas tellement présente, elle n'est d'ailleurs pas cathartique ni pour le spectateur ni même pour le personnage : les meurtres sont effectués sans rage, hors-champs, ils ne sont qu'un obstacle au sauvetage de sa fausse femme mais vraie compagnon de vie. La vengeance ne dure que dix minutes, un moteur émotionnel supplémentaire.
Non le problème, c'est qu'en tant que drame, le film loupe souvent le coche, la faute à une mise en scène parfois pas très inspirée et hors de propos. Rien que la première apparition du personnage à Paris (allant de pair avec celle du titre) ne semble être de la forme que pour la forme : pourquoi ces scintillements dans le noir, ces oreilles de lapins ridicules sous fond d'air d'opéra ? Pourquoi changer subitement le point de vue interne à la famille tamoule le temps d'un plan pré-fusillade inutile, là encore accompagné qu'une musique élégiaque ne faisant référence à rien ?
Pendant tout le film, Audiard se permet des élans formels qui ne font jamais sens et paraissent au final superflus. Pour quelles raisons, cela reste un mystère, peut-être qu'il craignait que son film n'ai pas assez d'impact sans ces esbroufes. Malheureusement, avec ou sans, c'est bel et bien le cas, d'autant plus que l'épilogue final est totalement raté, ridicule et pour le coup éthiquement douteux.
P.S. : Pan (ben oui, regardez le titre).
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Créée
le 1 sept. 2015
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