Des extraterrestres réfugiés sur la Terre depuis près de 30 ans deviennent un problème international explosif. Parqués dans le District 9, leur destin est entre les mains d'une multinationale, le MNU, qui s'intéresse à leur extraordinaire armement qui ne fonctionne qu'avec de l'ADN extraterrestre. Wilkus, un agent de terrain du MNU, contracte un mystérieux virus qui se met à modifier son ADN. Cet homme qui permettrait de déchiffrer la technologie alien devient l'individu le plus recherche. Repoussé, isolé, sans aide ni amis, il ne lui reste qu'un seul endroit où se cacher : le District 9.


J'ai eu maintes fois l'occasion de déplorer le manque d'intelligence des films de science-fiction : la plupart du temps basées sur des scènes d'action et des personnages stéréotypés jusqu'à la caricature, les productions du genre destinées au cinéma ont rarement de quoi satisfaire ceux d'entre nous qui s'intéressent aux descriptions romancées de l'influence des progrès techno-scientifiques sur les systèmes sociaux – du reste c'est là un exercice pour le moins exigeant sur le plan intellectuel et qui n'intéresse pas toujours un public pour lequel une sortie se veut distrayante, ce qui est tout à fait compréhensible (1).


Cependant, District 9 ne tient pas forcément de l'attitude inverse, ou du moins pas tout à fait. Sous bien des aspects, le réalisateur sud-africain Neil Blomkamp a ici choisi de tenter la synthèse de ces deux extrêmes : un choix audacieux, mais aussi un risque, qui ont tous deux payé pourtant car le film a fait un résultat plus qu'honorable au box office (2). La clef de ce succès consistait à utiliser dans un premier temps les techniques de la télé-réalité – le film commence comme un documentaire grand public – puis dans un deuxième temps les truismes du cinéma de science-fiction des années 80 – c'est-à-dire des scènes d'action abondantes et spectaculaires.


Si cette seconde moitié est souvent décriée par la critique spécialisée dans la science-fiction, et surtout celle dans sa forme littéraire, pour des raisons qui sont elles aussi tout à fait compréhensibles, elle s'avérait pourtant assez nécessaire : en effet, District 9 est au départ basé sur un court-métrage du réalisateur, Alive in Joburg (2005), dont il ne retient que les aspects fondamentaux – xénophobie et ségrégation (3) – qui ont été tant exploités au cinéma et ailleurs qu'il en devient difficile, pour ne pas dire impossible, d'y rajouter quoi que ce soit de réellement nouveau. De plus, l'orientation science-fiction de l'histoire la rendait très difficile à vendre à un grand public avide de sensations fortes et peu enclin à passer deux heures dans une salle de cinéma à voir des choses qu'il connaît très bien, d'une part, et qui ne sont plus vraiment d'actualité, d'autre part (4) ; quant aux autres spectateurs, ils ignorent purement et simplement tout ce qui s'approche de près ou de loin de la science-fiction pour commencer...


Le résultat est donc un compromis entre la volonté artistique de Blomkamp et les envies du public, c'est-à-dire celui-là qui est le seul à même de pouvoir rendre le projet viable puisqu'une œuvre quelle qu'elle soit n'existe que par son audience. De plus, c'est aussi parce que des productions de ce genre connaissent un certain succès qu'on peut espérer en voir davantage – leur score au box office incitant les producteurs à en faire plus du même acabit. Je reconnais volontiers qu'il y a là un certain cynisme, mais c'est une réalité que la création a un coût... Finalement, à avoir un message à faire passer, autant le diffuser de la manière la plus large possible – du moins si on souhaite qu'il soit entendu.


Bref, District 9 est un peu « le meilleur des deux mondes » : avec assez d'idées pour ne pas passer pour une création simpliste mais avec aussi assez de spectacle pour ne pas décourager les spectateurs non avertis, ce film s'affirme comme une production bien assez satisfaisante sur les plans principaux pour garantir un excellent moment, seul ou accompagné. En dépit de quelques détails – somme toute assez mineurs – du scénario et de la réalisation qui auraient mérité plus de subtilité, la distraction pure se double ici d'une réflexion aux accents de témoignage sur un des aspects les plus abjects de l'Histoire et qui, hélas, n'a pas encore tout à fait disparu de notre monde...


(1) je vois mal qui que ce soit payer le cinéma pour se « prendre la tête », surtout au prix où sont les places...


(2) l'exploitation en salles a rapporté plus de 200 millions de dollars pour un budget de production de 30 millions.


(3) se déroulant en 1990, ce court-métrage se voulait une dénonciation des excès de l'apartheid.


(4) je rappelle que l'apartheid qui sévissait depuis 1948 en Afrique du Sud a été abolie en 1991.


Récompenses :


Outre des critiques dithyrambiques et de nombreuses nominations (Oscars, British Academy Film Awards, Broadcast Film Critics Association et Golden Globe) District 9 remporta le Prix Bradbury décerné par la SFWA (Science-Fiction and Fantasy Writers of America).


Notes :


Le thème des extraterrestres « réfugiés » sur la Terre est assez ancien dans la science-fiction littéraire mais il n'a trouvé dans District 9 que sa seconde itération au cinéma, après Futur immédiat, Los Angeles 1991 (Alien Nation, 1988) de Graham Baker.


Ce film est une uchronie, c'est-à-dire une réalité alternative où les événements historiques ne sont pas exactement ceux que nous avons connu, car l'arrivée des extraterrestres y a eu lieu au début des années 80 : les dates de timbres postaux présents à l'écran indiquent que l'action se déroule bien en 2010.

LeDinoBleu
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le 7 mai 2011

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LeDinoBleu

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