L’un des guitaristes les plus rapides du jazz dans l’un des films les plus lents du cinéma français

C’est quand même étonnant, vous vous direz, en sortant de Django, un film si lent pour conter la vie d’un musicien dont l’art et la virtuosité pourraient presque être résumés par le jeu rapide, hâté, précipité... Et vous aurez raison.


Django vous offre un bon moment, mais qui s’éternise tout de même un peu. En plus d’un rythme nonchalant, voire paresseux, quoiqu’à l’image du musicien d’ailleurs, qui n’a, dès le début, envie de rien, on ressort d’un biopic sur Django sans rien avoir appris de Django. On apprend sur le traitement des tziganes par les allemands, sur leur mode de vie, on apprend sur une certaine forme de résistance qui est tout de même rarement portée à l’écran - celle d’une partie de l’élite française, mais qui restera, tout le film, uniquement symbolisée par Louise - on apprend beaucoup de la guerre, mais rien de Django et finalement, n’importe quel autre musicien tzigane aurait peut-être tout aussi bien pu illustrer cette période ; l’avantage incontestable d'avoir choisi Django Reinhardt restant tout de même la qualité et la richesse du répertoire musical de l’artiste, qui apaise, pour beaucoup, cet ennui qui refuse de nous lâcher durant tout le film.


Pas d’histoire pour Django donc, et pas d’histoire pour les personnages qui l’entourent non plus. Sa femme, sa mère, Louise, ses musiciens… D’où viennent-ils ? Où vont-ils ? Comment vivent-ils le succès, les écarts et les excès de Django ? Nous n’en savons pas grand-chose, si ce n’est rien que nous n’aurions pu deviner de manière assez évidente sans que le cinéaste ne se sente forcé de nous le montrer. Tout ce qui est évident est dit, et tout ce qui aurait eu besoin d’être explicité est laissé de côté. Le cinéaste ne révèle rien de la psychologie des personnages qui entourent Django, et il n’est pas moins avare avec la psychologie de l’artiste, qu’il nous faut deviner à travers un personnage qu’on sent si peu souvent proche de nous, souvent en plan moyen, de profil ou de dos, caché derrière un chapeau, caché derrière ses musiciens, caché tout court en fait, puisqu’en fuite. Cette absence de passé et de futur de l’ensemble des personnalités nous empêche de ressentir plus qu’une faible empathie pour eux, et, on l’attend avec impatience, séquence après séquence, mais aucune intensité ne viendra nous percuter. Nous aurons un peu de peine, un peu de compassion, un peu de joie, un peu de tout en fait, mais donc surtout beaucoup de pas grand-chose.


En définitive, on ressort de ce moment avec l’impression d’avoir vu un film sans histoire, sans scénario, sans personnage, sans événement, presque sans sentiment. C’est une succession d’images que nous voyons, indiscutablement esthétiques et poétiques, un enchevêtrement de plans et de musiques, sous-tendu par la chronologie de la guerre et par ses avancées, par la volonté de Django de traverser jusqu’en Suisse, mais sans réel fil conducteur, sans moteur. Malgré son immense talent d'interprétation, Reda Kateb ne sauve pas le film, et que dire de Cécile de France, que l’on a toujours pas vu dans un rôle consistant depuis le Casse-tête chinois de Klapish ? Sans doute qu’il nous faudra encore attendre le prochain pour avoir l’opportunité de nous laisser subjuguer par son génie, malheureusement largement inexploité ici…


Bon, étonnamment, si on n’en sortira pas transcendé, on n’en sortira pas non plus avec des regrets. Le film mérite tout de même d'être vu pour ce qu'il est, mais l’ennui sera quand même plus facile à digérer avec une carte UGC illimité.

Cassandra1
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le 18 juin 2017

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Cassandra Conti

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