Django arrive... préparez vos cercueils !

(la B.O. : https://m.youtube.com/watch?v=KlTSIWH2NgI&list=OLAK5uy_kFw4uvbpgibJI7bnJpNaEPt_xfKbpekXs)


Présenté dans une sublime version restaurée 4k, Django demeure un véritable choc cinématographique. Culte de l'hyperviolence et de la cruauté parsemé de tableaux magnifiques et doté des yeux si bleus de Franco Nero, il reste une référence incontournable du western. Et pas seulement "le film qui a a inspiré Tarantino" comme on l'entend souvent de nos jours...


Dès les premières images, Sergio Corbucci nous embarque dans une autre dimension, quasi onirique, avec Franco Nero traînant un cercueil dans la boue, et sous la pluie, le tout sublimé par la chanson éponyme de Rocky Roberts et ses choeurs stridents qui accompagnent un générique rouge sang. Cette "mer de boue" se révélera d'ailleurs être un acteur primordial du récit, ainsi que la saleté de son anti-héros et son porte-bonheur de cercueil, qui s'il ne transporte pas de cadavre véhiculera toutefois la Mort assurément.
Selon certains spectateurs attentifs, on dénombrerait ainsi près de 138 morts (!?) dans cette oeuvre apocalyptique qui eut bien des soucis avec la censure. Il fut ainsi tout simplement interdit au Royaume-Uni jusqu'en...1993. Entre les peons tirés comme des lapins par un Eduardo Fajardo (El mercenario) toujours très à l'aise en fasciste, version Klux Klux Klan cette fois-ci, la pauvre et divine Loredana Nusciak fouettée puis promise au bûcher ou encore Gino Pernice (La Classe ouvrière va au paradis) contraint de s'adonner à de l'auto-cannibalisme, les scènes traumatisantes sont légion, à la frontière du surréalisme et du grotesque.
Un certain sado-masochisme, inhérent au genre italien, est également diffusé et rarement un héros de western n'aura autant subi de sévices. Une habitude corbuccienne si on se rappelle des handicaps de Cameron Mitchell qui devient aveugle dans Le Justicier du Minnesota ou Jean-Louis Trintignant qui en plus d'être muet finira manchot dans Le Grand silence. Mais Sergio Corbucci ne se contente pas d'accumuler les cadavres et sublime ses séquences de baroque , tout en apportant une touche politique. Comme le fait remarquer justement Alex Cox dans son ouvrage consacré au western italien 10 000 façons de mourir, Django était le surnom de Joao Goulart, président du Brésil renversé par un coup d'état l'année précédente. L'allusion au KKK en pleine période de lutte pour les droits civiques aux USA n'est sans doute pas anodine non plus...


UN SUCCÈS IMMORTEL


Bien que réalisé avec peu de moyens, le film fut un immense succés en Italie, et on vit fleurir dès lors de nombreux remakes ou fausses suites, l'appellation Django apparaissant dans le titre de nombreux futurs westerns, souvent par la volonté de distributeurs souhaitant surfer sur la gloire de l'anti-héros Corbuccien. Le réalisateur italien avait donc vu juste lorsqu'il demandait à Enzo Barboni de mettre en lumière "les deux grands lacs bleus" de Nero pour lui faire gagner plein d'argent ! Une gloire qui ira bien au-delà des frontières transalpines, Franco Nero, âgé de seulement 24 ans, devenant une véritable star internationale notamment au Japon. Juste retour des choses au vu de l'influence du Yojimbo de Kurosawa sur les films de Corbucci et Leone, entre autres. Et finalement l'inspiration sera commune et partagée puisqu'en 2007 Takashi Miike réalisera un remake Sukiyaki Western Django. Comme le note Franco Nero, le film s'adressait à un public jeune désireux de changements radicaux. Ce n'est donc q'une demi surprise de voir que même en Jamaïque, alors en pleine mutation, il y eut un fort echo. Dans The Harder They Come, le gangster joué par Jimmy Cliff va ainsi voir Django au cinéma, et le groupe de reggae The destroyers composera une chanson à la gloire du fossoyeur italien !
Mais le film tomba peu à peu dans l'oubli, et c'est bien par l'entremise de Quentin Tarantino et de son Django Unchained de 2012 qu'il retrouva...


(Retrouvez l'intégralité de la critique consacrée à l'édition Blu Ray-dvd de CarlottaFilms ainsi que l'évaluation de la partie technique par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6604)

Créée

le 22 nov. 2021

Critique lue 320 fois

10 j'aime

12 commentaires

SB17

Écrit par

Critique lue 320 fois

10
12

D'autres avis sur Django

Django
B_Jérémy
7

La violence engendre la violence

Merci. De quoi ? De ce que tu as fait pour moi. Je ne l'ai pas fait pour toi. Merci quand même. Arrête de me remercier. Qui sait si j'ai bien fait. Je te remercie parce que,...

le 24 juil. 2020

56 j'aime

35

Django
Gothic
5

Django Renard contre Jamie Foxx

Lacune vieille de plusieurs décennies, je m’étais juré de voir ce "Django" version Corbucci, après m’être délecté de l’essai Tarantinesque quasi-éponyme. Si Nero arrive à incarner ce personnage...

le 30 déc. 2013

48 j'aime

14

Django
Torpenn
4

De la petite bière...

Adulé ici comme ailleurs à un niveau parfaitement incompréhensible, Django se révèle en tout cas parfaitement caractéristique du western spaghetti, les films de Leone s'apparentant de plus en plus...

le 30 janv. 2012

48 j'aime

16

Du même critique

Milan Calibre 9
SB17
8

L'homme qui valait 300 000 dollars

(1972. FR.: Milan calibre 9. ITA.: Milano calibro 9. Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films) A peine sorti de prison, Ugo Piazza (Gastone Moschin) se retrouve dans l’œil du cyclone. Entre l’organisation...

Par

le 1 avr. 2021

24 j'aime

6

Colorado
SB17
8

La dernière chasse

(1966. FR : Colorado. ITA : La resa dei conti. ENG : The big gundown. (titre français assez débile puisque le film se déroule au Texas et au Mexique…) Vu en VOST, version Director's...

Par

le 2 janv. 2021

20 j'aime

9

Le Boss
SB17
8

La valse des pantins ou… Henry (Silva), portrait d’un serial-killer !

(1973. Il Boss. Vu en VOST, Blu-Ray Elephant Films) Palerme, années 1970’s. Suite à un massacre commis par Lanzetta (Henry Silva), sur ordre de Don D’aniello (Claudio Nicastro), contre la famille...

Par

le 9 avr. 2021

18 j'aime

3