Avant de voire ce film, je me suis renseigné pas mal sur Spike Lee et ses combats. J'ai aussi regardé un autre de ses films, Malcolm X, mais en dehors de cela je reste un néophyte, ma critique se concentrera donc sur ce film.


Le film raconte donc la vie d'un quartier de Brooklyn, où habite une communauté majoritairement afro-américaine mais où vivent également des italiens & des latino-américains, durant une journée exceptionnellement chaude d'été. Mookie est un jeune gars qui s'en sort en livrant des pizzas pour un pizzaïolo local de renom, Sal (un type plutôt bon), et travaillant avec ses deux fils Vito (plutôt sympathique) & Pino (un raciste notoire rêvant de quitter ce "quartier de nègres"). On y trouve aussi deux flics, une bonne-soeur, un habitant remplit d'amour, Le Maire (Da Mayor en anglais); un massif amateur de Public Enemy arborant deux poings-américains "Love" & "Hate" & un ghetto-blaster crachant le classique "Fight The Power"; un excité souhaitant à tout prix voire "des célébrités afro-américaines sur le Wall of Fame", une jeune mère latino-américaine et sa mère. Tout ce petit monde va donc évoluer dans ce chaud quartier de Brooklyn et l'on va les suivre du lever au coucher du soleil, jusqu'à un évènement tragique qui entrainera par la suite des conséquences tristes, mais prévisibles.


Parlons avant tout du film, on est ici face à un chef-d'oeuvre, n'ayons pas peur des mots. Le découpage est intelligent et ne perd pas le spectateur malgré un grand nombre de personnages, les acteurs & actrices sont parfait.es.s, on rit souvent et franchement, mais on réfléchit aussi, beaucoup. Spike Lee possède ce talent de faire dire à ses films beaucoup plus que ce qui transparait dans les dialogues, à pousser le spectateur à la réflexion sur ce qu'il voit. Il excelle également dans la transmission d'émotions et de sentiments (notamment avec la scène torride des glaçons ou la magnifique chorégraphie d'introduction). La palette de couleur, le soin de la photographie font pour beaucoup: on se sentirait presque, à certains moments, sous le soleil chaud de Brooklyn, entre béton & brique un jour de canicule. A certains moments, on croirait presque un conte de fée, tant tous les personnages semblent sinon amical, au moins pacifique. Enfin, tous.. Car oui, cette belle journée à Brooklyn (en suivant majoritairement Mookie au cours de ses livraisons, incarné très grandement par Spike Lee lui-même); malgré la chaleur et le beau temps se retrouve bien vite menacée. Lors de la scène de la bouche d'incendie (très drôle soit dit en passant), alors que les jeunes profitent d'un instant fraicheur improvisé, la police débarque et calme tout le monde, renvoyant les gens chez eux et fermant la bouche. L'on sent déjà là une première idée de Lee dans le film, ici la menace est bleue et arrive au son des sirènes. En effet, comme dit précédemment, on ne ressent aucune animosité ou agressivité entre les habitants (tout au plus envers le couple de coréens vendeurs de légumes, et ca reste très léger). Je pense qu'une des idées de Spike Lee avec ce film était de faire un film pour les siens, pour les gens de Brooklyn avant tout (le film a été tourné en deux mois dans le quartier où il se déroule); pour montrer que les quartiers afro-américains, ce n'était pas que la violence que l'on peut voire dans les médias. Une violence aveugle & sans sens, pour les habitants extérieurs. N'oublions pas que nous sommes en 1989, le président d'alors était Georges Bush père (et l'on sait le peu d'amour que portent les Républicains aux afro-américains, d'autant plus quand ceux-ci sont engagés) et qu'il s'agit du premier "joint" de Spike Lee.


Et l'on arrive ici justement à ce qui me semblent être le problème vis-à-vis de nombreuses critiques vues ca et la sur le Web, des critiques écrites en majorité par des personnes blanc.hes.s. Attention, je n'ai rien contre les blancs, j'en suis un moi-même.
La plupart des critiques portent sur la soit-disant "moralité" générale du film, et en particulier sur la question "Fais t'il le bon choix en explosant cette vitre" ? Et bien, je vais vous avouer que cette question.... je ne me la suis pas posée. Parce qu'à mon sens, justement, elle n'avait pas lieu d'être. Bien sur qu'il a bien fait. Nom de dieu de merde, les flics viennent gratuitement, SANS RAISONS, de tuer Radio Raheem (le fan de PE, toujours avec son ghetto-blaster, dont la seule action violente (en dehors de la réponse a la destruction de son poste) a été de monter le son pour imposer Public Enemy à de la salsa (une autre très bonne scène). Et il n'a pas été tué rapidement, il a été étranglé longtemps. Très longtemps. Tous les autres témoins ont eu le temps de hurler de le lâcher, de protester, de "prévenir" le flic, qui ne lâche rien et insulte au passage Raheem. Puis, lorsqu'il meurt, ils embarquent le corps (après quelques coups de lattes pour vérifier sa mort) et fuient. Un jeune homme mort, pour une bagarre dans une pizzeria. La vraie tragédie est ici. Et c'est à mon sens également l'idée derrière cette citation finale de Malcolm. Que la violence n'est pas justifiable, mais que face à de la violence d'une telle force que celle subie par la communauté afro-américaine dans ce quartier de Brooklyn, il ne peut y avoir d'autres réponses. Comme en quelque sorte, lorsque Sal sort sa batte et prononce le nword de facon insultante & répétée, face à une demande de rajouts de photos. Puis, de rage, explose le ghetto-blaster, ce qui rend Raheem fou de rage et le lance à la gorge du pizzaïolo, entrainant le meurtre final. Car au final, comme le dit Mookie, Sal "touchera l'assurance" et se verra rembourser. En revanche, les ami.es.s de Raheem ne le reverront plus jamais et que les policiers s'en tireront vis-à-vis de la loi.


J'ai lu assez souvent que Spike Lee avait dit (prétendumment) que les blancs ne pouvaient apprécier le film. Je ne sais si c'est vrai, mais ce dont je me rends compte c'est qu'effectivement beaucoup de critiques écrits par des blanc.hes.s posent la question du loot du magasin, comme si cette question était centrale et importante, quand tout le film tend à justement mettre en avant l'humain. J'ai personnelement lu que Spike avait déclaré "seul des blancs m'ont demandé si Mookie avait fait la bonne chose. Pour les afro-américains, la réponse est évidente". Peut-être qu'en fait, Lee avait raison: peut-être que les blanc.hes.s ne peuvent pas encore faire preuve d'empathie à l'égard des noir.es.s, peut-être qu'ils considèrent qu'une vie humaine vaut moins qu'un magasin. Peut-être n'ont-ils pas envie de savoir, de faire l'effort de chercher, se renseigner, discuter avec des noir.es.s et de rendre compte d'une réalité, même si ce n'est que partiel. J'espère sincèrement me tromper sur mes congénères néanmoins. Peut-être, en fait, que Do the right thing est à Spike Lee ce que Lemonade est à Beyoncé, une oeuvre forte, engagée, politique et destinée en premier lieu aux afros-américain.es.s, et que par là-même, les critiques des blanc.hes.s ne sont pas recevables, surtout lorsque ces dernières critiquent le message. Mais, bon j'dis ca alors que j'en ai écrit une hein ;)

Mickey_Fawkes
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le 29 avr. 2016

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Mickey_Fawkes

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