Si Jerry s'est parfois perdu dans des comédies assez puériles et aux gags un peu prévisibles, il exploite ici à fond son talent dans une délirante parodie du roman de Robert Louis Stevenson - Dr Jekyll et Mr Hyde -, histoire maintes fois adaptée au cinéma.
Son personnage de Docteur Jerry, souffreteux, bigle et à la dentition de lapin est irrésistible. Julius - baptisé Dr Jerry dans le titre français - est un professeur de chimie timide et épouvantablement maladroit. Il est le souffre-douleur d'un groupe d'étudiants et sa classe est un véritablement cauchemar entre étudiants moqueurs ou indifférents. Seule une ravissante jeune fille blonde, Stella, semble s'intéresser à lui.


Pour la séduire, le timide professeur va chercher à se métamorphoser, d'abord en homme athlétique puis ensuite, grâce à ses expériences de chimie, en un homme différent, son double séducteur mais peu sympathique.


Sa métamorphose en Mister Love, élégant et séduisant, est stupéfiante, Jerry compose une belle imitation - et parodie -, inspiré par son ancien partenaire, Dean Martin et par Franck Sinatra.
Certains critiques ont émis l'idée que Jerry réglait ainsi ses comptes avec Dean, quitté après plus de dix ans de collaboration sur scène, et à l'écran.


Quoi qu'il en soit, Dr Jerry nous offre surtout une illustration et parodie de son époque, de la vie des jeunes à l'Université, jeunes - pas très jeunes d'ailleurs dans le choix des acteurs, mais peut être font-ils de très longues études ! - qui semblent passer très peu de temps à étudier et plus à se retrouver en boites de nuits, des midinettes qui rêvent aux crooners de l'époque...


Le film est parsemé de gags excellents, Jerry incrusté dans le sol suite à une expérience de chimie désastreuse, le gag des haltères et surtout la délirante transformation façon Mr Hyde - un grand moment -. Sous l'oeil épouvanté de son mainate apprivoisé, le savant subit d'horribles tranformations qui le rapprochent d'un homme des cavernes monstrueux et le font passer par différentes teintes, le tout dans un mélange de couleurs répandues au sol et dans lesquelles il se roule, dans une souffrance extrême. Présentée dans un autre contexte, la scène pourrait être terrifiante, elle est ici hilarante, grâce au génie de Jerry.
Le film subit une perte de vitesse dans la seconde partie du film, beaucoup moins mémorable si ce n'est la transformation finale, mais l'histoire se suit avec intérêt.


Arrêtons-nous à présent sur la carrière des deux acteurs principaux du film :
Sans être une star de premier plan, Stella Stevens aura une très longue carrière principalement à la télévision durant cinq décennies. Sa dernière apparition date de 2009. On la retrouvera dans une multitude de séries et téléfilms - Bonanza, Magnum, Highlander....- et dans quelques films - Le bataillon des lâches, L'aventure du Poséidon, notamment-.


La carrière artistique de Jerry sera exceptionnellement longue, malgré de très longues périodes hors des scènes et studios puisqu'elle débute en 1931, où, à l'âge de 5 ans il monte pour la première fois sur scène avec ses parents et s'achève par une dernière apparition en 2016, dans le film "Le casse", réalisé par benjamin et Alex Brewer...soit 85 ans de carrière.


La "belle époque" de Jerry se situe dans les années 50 et 60, avec dans le courant des années 60, une baisse de popularité aux Etats-Unis, tandis que son affection par les européens ne cesse d'augmenter.
Son comique particulier, fait à la base de grimaces et de pantomines - héritage de ses jeunes débuts - ne fait en effet pas l'unanimité.
Le célèbre Directeur des studios MGM, Louis B. Mayer déclare même en découvrant le duo Lewis-Martin : "Le Rital est pas mal, mais qu'est-ce que je fais du singe? " (sympathique !). Leur rencontre avec le producteur Hal Wallis qui les fait engager à la Paramount décide du tournant de leur carrière.


Le duo va alors se déséquilibrer de plus en plus au fil des années. Angoissé et perfectionniste, Jerry, las de servir de faire-valoir au crooner, intervient davantage dans la production des films. Ses gags dévastateurs submergent le pauvre Dean qui a de plus en plus de mal, dans ses films, à aller au bout de sa chanson. Les deux compères se séparent alors pour mener chacun d'entre eux une brillante carrière.


Continuons à suivre celle de Jerry qui va tourner alors dans les années suivantes ses meilleurs films - "Le Kid en kimono", "Dr Jerry et Mister love", "Cendrillon aux grands pieds" ou encore "Le tombeur de ces dames" -, réalisés soit par lui-même, soit par Frank Tashlin.
Suite à un grave accident sur scène en 1965, il en ressort avec des sequelles et douleurs à la colonne vertébrale qui le rendent accro aux anti-douleurs et développent ses tendances suicidaires. Sa carrière sera désormais en dents de scie, avec des bons rôles comme dans "La valse des pantins" de Martin Scorsese, et des nanars, comme "Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir" de Philippe Clair.


Parallèlement, il s'occupe activement de la cause des enfants handicapés physiques et mentaux. Il crée ainsi, en 1966, le Téléthon, premier show télévisé au profit de l’association MDA, dévolue à la lutte contre les dystrophies musculaires. Il sera parrain du 1er Téléthon français en 1986.
L'acteur nous a laissé une impressionnante série de films, dont certains, méconnus, méritent d'être redécouverts - comme "Le déliquant involontaire" ( "The delicate delinquent" de Don McGuire ou encore Fais-moi peur ("Scared stiff" de George Marshall).




critique de Fais-moi peur :
https://www.senscritique.com/film/Fais_moi_peur/critique/176797214

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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Quand Robert Louis Stevenson inspire le cinéma, Les professeurs hors normes et Roger Carel : L'homme aux mille voix (les films)

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le 7 août 2020

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